Agnès Godard : "Le super 16 m'a permis d'amadouer l'image"
"Ce qui m'a demandé le plus de travail c'est la distance avec les visages, explique la chef opératrice. Je me suis rendue compte que cette fameuse distance établissait une rencontre non dite avec les personnages et que c'est cela qui plaisait à Erick."
Comment s'est passée votre rencontre avec Erick Zonca ?Erick avait vu Nenette et Boni dont j'ai fait la photo et c'est pour ça qu'il m'a contactée. Nous avons eu très peu de temps avant le tournage mais il avait déjà fait des repérages en vidéo et avait une idée très arrêtée sur les décors. Les lieux correspondaient si bien au scénario qu'il a suffi que je me laisse porter. Grâce aux repérages qui avaient été faits et à ceux que nous avons fait ensemble, le travail a été très bien préparé et il n'y a pas eu d'improvisation.
Vous aviez une idée précise de ce que vous cherchiez comme image ?L'idée, c'était de faire une image brute et simple qui correspondait au ton de l'histoire. J'ai fait des essais de pellicule pour obtenir ces couleurs saturées et nous sommes partis sur cette base. J'ai eu la chance d'avoir un chef électricien extrêmement inventif qui a mis au point des systèmes permettant de modifier la lumière du jour. Ce qui m'a demandé le plus de travail c'est la distance avec les visages. Je me suis rendue compte que cette fameuse distance établissait une rencontre non dite avec les personnages et que c'est cela qui plaisait à Erick.
Il vous a surpris dans sa manière de faire ?Nous avons beaucoup filmé, l'équivalent de trois heures de film. Au début, cela m'a un peu intriguée et puis je me suis rendue compte que cela permettait à Erick d'avoir la matière suffisante pour donner à son film le rythme et l'énergie qu'il voulait. Je me suis laissée porter par ses choix et tout a été facile en dépit des difficultés liées à l'exiguïté des décors. C'est une des raisons pour lesquelles, il y a beaucoup de caméra portée dans le film. Mais ca n'est pas la seule parce que nous l'avons également utilisée en extérieur. Ce qui est incroyable c'est que nous ne voyions pas de rushes mais j'avais un report vidéo qui s'est avéré être un véritable instrument de travail.
Vous avez tourné en 16 mm, pourquoi ?La question s'est posée au début de savoir si nous allions tourner en 35 mm ou en super 16. Nous avons fait les essais en 35 mm et avons fini par tourner en super 16. Ça s'est avéré plus facile que je ne le pensais. Le super 16 m'a permis d'amadouer l'image et convenait mieux au récit. Il a créé une sorte d'intimité qui allait dans le sens de la simplicité. J'ai pris beaucoup de plaisir à filmer ces deux filles, leur beauté, leur jeunesse. Je les ai trouvées très touchantes.