28 FÉVRIER 2011

Amira Casar :"Deux siamoises"

"Avec Asia, nous avons en commun de ne pas avoir froid aux yeux et de ne pas nous préserver sur un tournage : on n'attend pas le filet avant de se jeter dans l'eau glacée !" explique l'actrice née en Grande-Bretagne.

Qu'est-ce qui vous a séduite dans l'univers de Tony Gatlif ?Amira Casar : Ce que j'aime chez Tony, c'est sa manière de cadrer l'acteur perpétuellement en mouvement : son cinéma est organique, et les gestes, le dialogue, les paysages et la musique y forment un tout indissociable. D'autre part, Tony s'appuie sur ce que vous êtes dans la vie : il n'a pas besoin de vous voir dans d'autres films pour vous imaginer en mouvement. Il est donc essentiel d'apporter au film sa vitalité car Tony s'en nourrit pour construire votre personnage. Quand je me suis cassé les métatarses du pied, il m'a demandé d'intégrer cette fracture à mon rôle ! Du coup, plutôt que de dissimuler cette infirmité, j'ai joué sur cette dimension du personnage.Comment vous a-t-il présenté votre personnage ?Tony est extrêmement poétique dans sa manière de s'exprimer et il utilise les comédiens comme une toile sur laquelle il projette différentes couleurs et rythmes musicaux. Il me semble qu'il est important de bien comprendre sa méthode, d’être constamment perméable à sa vision et à son univers : il s'agissait, pour moi, d'un pacte de confiance poétique. Il faut lui céder vos droits, être ouvert aux changements et lui donner toute sa disponibilité car j'ai compris que le temps était élastique avec lui, tout comme l'inattendu.Comment s'est passée votre collaboration avec les autres comédiens ?J’ai surtout tourné avec Asia. Nous avons en commun de ne pas avoir froid aux yeux et de ne pas nous préserver sur un tournage : on n'attend pas le filet avant de se jeter dans l'eau glacée ! Ce n'est pas un hasard si nous nous sommes comprises … Nous avons peut-être un langage commun car nous sommes toutes deux enfants de la balle : elle a tourné dans les films de son père, tandis que j'ai tourné les pages des concerts de ma mère…Marie éprouve une admiration quasi vampirique pour Zingarina…L'idée de départ était que le personnage d'Asia et le mien soient comme deux soeurs. Deux siamoises. Je me suis servie de ce postulat tout au long du tournage. J’ai pensé au personnage de l'infirmière, campée par Bibi Andersson, dans Persona de Ingmar Bergman. La phrase que je me répétais le plus souvent était "je serai toujours là pour toi" …Le tournage a été particulièrement rude.Oui, il faisait parfois - 13 degrés ! Et pourtant, on arrivait à jouer sans avoir la mâchoire figée car Tony réussit à réchauffer son plateau ! C'est un être lumineux, volcanique et incandescent. Cet homme-là a du tungstène à l'intérieur de lui !Quel genre de directeur d'acteurs est-il ?Comme on ne répète pas les scènes, il vous filme en train de découvrir un lieu et une situation pour la premièrefois, un peu à la  manière de Rossellini. D'autre part, il attache beaucoup d'importance au phrasé : pour lui, la musicalité et le rythme des mots comptent autant que l'image. C'est une manière de travailler qui me correspond bien.

> Biographie express : Née en Grande-Bretagne, Amira Casar s'installe à Paris où elle étudie le métier d'acteur au Conservatoire National d'Art Dramatique. Parfaitement bilingue en anglais et en français, elle se produit au théâtre, en France et en Angleterre. On l'a ainsi vue dans Hedda Gabbler d'Ibsen, montée à Paris, et dans Aunt Dan and Lemon de Wallace Shawn, à l'Almeida Théâtre de Londres. Amira Casar a une prédilection pour le cinéma d'auteur (Anatomie de l'enfer, de Catherine Breillat), sans pour autant hésiter à tourner des comédies comme La Vérité si je mens, Quand on sera grand, Pourquoi pas moi ? ou Mariées mais pas trop. Elle a récemment campé une cantatrice d'opéra qui perd la mémoire dans L'Accordeur de tremblements de terre, des frères Quay et a tourné son premier film américain, en interprétant Assia Wevill, personnage suicidaire et torturé, dans Sylvia de Christine Jeffs, aux côtés de Daniel Craig et Gwyneth Paltrow.