03 JANVIER 2020

avoir-alire.com - Laurent Cambon: Late Night

"n ne peut pas faire pire comme présentatrice vedette d’un talk show journalier que cette Katherine Neuwbury, interprétée par une Emma Thompson au top de sa carrière de comédienne. Elle met à la porte ses collaborateurs pour un rien, elle est d’une humeur exécrable, elle a un ego surdimensionné et elle nomme ses collègues par des numéros. Bref, voilà un personnage haut en couleurs, qui pourrait sombrer dans la caricature. Et magie du cinéma, à aucun moment, notre héroïne acariâtre et dédaigneuse ne tombe dans des poncifs hystériques. Bien sûr, l’actrice principale y est pour quelque chose. Mais il faut saluer en sus une écriture précise, une mise en scène intelligente qui joue autant avec les ressorts de la comédie que la critique sociale de toute une Amérique, au pied de la télévision.Contre toute attente, Late Night est un formidable pamphlet contre l’univers cruel du petit écran. La réalisatrice connaît bien le milieu. Elle a acquis la légitimité pour raconter les coups bas et la terrible discrimination qui règne entre les collaborateurs, quand il s’agit de produire des séries. La jeune Molly, tout aussi colorée qu’elle est ronde, parvient par hasard à rentrer dans cet univers réservé à une élite, il faut l’admettre, blanche et influente. Le fait que la réalisatrice ait choisi une femme pour incarner ce rôle de patronne de télévision, est particulièrement audacieux. Le film peut ainsi dénoncer sans risque la discrimination sexuelle et raciale qui règne dans ce monde feutré et réservé à quelques favoris new-yorkais. Mais Late Night n’est pas qu’un film politique. On rit. On tressaille de connaître la suite. On est même ému par le destin implacable de ces deux femmes, Katherine et Molly. Le récit fonctionne très bien et les comédiens s’immergent avec joie dans cette histoire dynamique et réjouissante. Les décors laissent en permanence une interrogation sur le genre du film. Si, régulièrement, le long métrage offre des scènes dans New York, la plupart des situations se passent dans des intérieurs cossus, des bureaux de travail ou des plateaux de télévision. Nous ne sommes pas loin de la sitcom et la mise en scène joue allègrement avec l’ambiguïté stylistique, comme pour mieux renforcer le sentiment d’un milieu à la fois cruel et privilégié, sur lequel de téléspectateurs se répandent pourtant, exprimant une admiration sans nuance. Late Night est une belle surprise de cinéma. Bien sûr, il ne s’agit pas du chef-d’œuvre de l’année. Pour autant, le film témoigne d’une ingéniosité scénaristique dans laquelle les comédiens se coulent avec délectation. Une mention spéciale pour Emma Thompson qui se moque autant d’elle-même que d’Hollywood tout entier. Et il ne faut pas oublier la bande originale qui conforte le spectateur, jusqu’au générique final, dans une joie certaine."

"n ne peut pas faire pire comme présentatrice vedette d’un talk show journalier que cette Katherine Neuwbury, interprétée par une Emma Thompson au top de sa carrière de comédienne. Elle met à la porte ses collaborateurs pour un rien, elle est d’une humeur exécrable, elle a un ego surdimensionné et elle nomme ses collègues par des numéros. Bref, voilà un personnage haut en couleurs, qui pourrait sombrer dans la caricature. Et magie du cinéma, à aucun moment, notre héroïne acariâtre et dédaigneuse ne tombe dans des poncifs hystériques. Bien sûr, l’actrice principale y est pour quelque chose.

Mais il faut saluer en sus une écriture précise, une mise en scène intelligente qui joue autant avec les ressorts de la comédie que la critique sociale de toute une Amérique, au pied de la télévision.Contre toute attente, Late Night est un formidable pamphlet contre l’univers cruel du petit écran. La réalisatrice connaît bien le milieu. Elle a acquis la légitimité pour raconter les coups bas et la terrible discrimination qui règne entre les collaborateurs, quand il s’agit de produire des séries. La jeune Molly, tout aussi colorée qu’elle est ronde, parvient par hasard à rentrer dans cet univers réservé à une élite, il faut l’admettre, blanche et influente. Le fait que la réalisatrice ait choisi une femme pour incarner ce rôle de patronne de télévision, est particulièrement audacieux. Le film peut ainsi dénoncer sans risque la discrimination sexuelle et raciale qui règne dans ce monde feutré et réservé à quelques favoris new-yorkais. Mais Late Night n’est pas qu’un film politique. On rit. On tressaille de connaître la suite. On est même ému par le destin implacable de ces deux femmes, Katherine et Molly. Le récit fonctionne très bien et les comédiens s’immergent avec joie dans cette histoire dynamique et réjouissante.

Les décors laissent en permanence une interrogation sur le genre du film. Si, régulièrement, le long métrage offre des scènes dans New York, la plupart des situations se passent dans des intérieurs cossus, des bureaux de travail ou des plateaux de télévision. Nous ne sommes pas loin de la sitcom et la mise en scène joue allègrement avec l’ambiguïté stylistique, comme pour mieux renforcer le sentiment d’un milieu à la fois cruel et privilégié, sur lequel de téléspectateurs se répandent pourtant, exprimant une admiration sans nuance.

Late Night est une belle surprise de cinéma. Bien sûr, il ne s’agit pas du chef-d’œuvre de l’année. Pour autant, le film témoigne d’une ingéniosité scénaristique dans laquelle les comédiens se coulent avec délectation. Une mention spéciale pour Emma Thompson qui se moque autant d’elle-même que d’Hollywood tout entier. Et il ne faut pas oublier la bande originale qui conforte le spectateur, jusqu’au générique final, dans une joie certaine."