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04 AVRIL 2022

Climat : mon cerveau fait l'autruche - Illusions cérébrales

Le documentariste scientifique Raphaël Hitier (Génération écrans, génération malade ?) explore dans son film les mécanismes de déni du cerveau face au réchauffement climatique. Entretien.

Media

Comment est né ce projet ? 

Raphaël Hitier : Je m’intéressais depuis un moment aux biais cognitifs, ces représentations déroutantes que notre cerveau fait parfois de la réalité. En partant d’une idée d’Olivier De Schutter et Nicolas Sayde, tous deux investis dans la transition écologique, Sylvie Deleule, coautrice du documentaire, a travaillé sur les raisons de notre inertie face aux menaces environnementales avec la société de production Un Film à la patte, qui m’a proposé de réaliser ce film. À travers l’exemple précis du réchauffement climatique, ce projet m’a permis d’aborder les bizarreries apparemment irrationnelles de notre cerveau. 

 

Quels sont les principaux obstacles aux changements de nos modes de vie ? 

Raphaël Hitier : Le “biais d’optimisme”, ce réflexe qui nous fait minimiser, en dépit des évidences, les événements négatifs susceptibles de nous arriver. Il est à l’œuvre quand on se dit : “Il y aura des catastrophes mais je ne serai pas touché.” C’est une manière pour le cerveau de mettre de côté les scénarios déplaisants. Mais c’est le “biais de confirmation” qui me frappe le plus : notre capacité à ignorer ce qui va à l’encontre de nos croyances. L’analyse en imagerie cérébrale montre que notre cerveau ne prend même pas la peine de traiter les informations qui contredisent notre vision du monde. Il ne les évalue pas. Difficile de changer d’avis dans ces conditions... Il faut rappeler aussi que notre marge de manœuvre individuelle est limitée par l’environnement social et technologique dans lequel nous vivons, et que l’impact de nos actions sur les émissions de CO2 est minime par rapport à celui des décisions politiques. Il faut donc aussi regarder du côté des décideurs et de leurs propres biais cognitifs, liés à leurs fonctions et à leur statut social. 

 

Votre film aborde la question de l’écoanxiété, un motif de consultation de plus en plus courant chez les psychologues. Vous-même, en êtes-vous atteint ?

Raphaël Hitier : Quand vous êtes en deuil et que vous consultez un psychologue, il ne vous dit pas que votre proche n’est pas mort. Il va essayer de vous aider à vivre avec cette réalité-là. De même, un thérapeute aide les personnes souffrant d’écoanxiété à gérer ces informations stressantes et à adopter un comportement en phase avec leur prise de conscience. Cela peut passer par le militantisme. Pour ma personne, je n’ai pas d’inquiétude particulière. Peut-être suis-je victime d’un biais d’optimisme ? En revanche, pour ma f ille, je m’inquiète, oui. Les perspectives pour les prochaines générations sont alarmantes et je trouve violent que rien ne soit fait pour tenter de rendre la suite moins douloureuse.

 

Propos recueillis par Élise Pontoizeau