07 JUIN 2017

Critikat.com - Benoît Smith: Hope

" Première fiction de Boris Lojkine (Les Âmes errantes), Hope n’est pas le premier film français à aborder le thème de l’immigration comme un récit d’aventures aux accents romanesques, dans un souci de tenir à distance le naturalisme qui pollue trop souvent le regard sur l’étranger acteur de ce phénomène médiatisé qu’est l’immigration. Citons pour exemples antérieurs La Pirogue de Moussa Touré, ou encore le court métrage Parmi nous de Clément Cogitore. Le naturalisme même, d’une manière générale, semble être la dernière vieille lune à abattre dans le « jeune » cinéma français récent, comme certaines comédies et drames ont fait mine de s’y employer avec plus ou moins de conviction, n’évitant qu’inégalement le piège du vernis et de la posture appliqués sur le refoulé (la question s’est encore posée récemment concernant le dernier film de Céline Sciamma Bande de filles). Le récit d’aventures de Hope, lui, convainc parce qu’il établit très vite que sa matière première, l’immigration, n’est qu’un contexte sur lequel raconter son histoire. Cela tient au regard porté sur l’environnement et les personnages, sur les antagonismes de langues et de peuples, foisonnement qui jamais ne devient prétexte à un discours social ni à une démonstration de ressources narratives – qualité même pas entachée par les quelques accents volontaristes de l’imaginaire qu’il recherche (seconds rôles pas loin du pittoresque, solennité mystique de certaines scènes). Ce sont surtout les deux personnages principaux qui parviennent à se rendre attachants, non par des caractéristiques affirmées et bien écrites, mais au contraire par leur façon d’échapper au jugement que leurs actes pourraient induire, tant ces actes doivent régulièrement s’adapter aux circonstances. D’où deux comportements fort peu monolithiques n’ayant pas peur du paradoxe, où les choix à l’urgence répétée dessinent l’absence de dirigisme de leur écriture, qui les empreint d’une réelle idée de liberté constamment mise à l’épreuve : liberté de disposer de son corps, de le protéger ou de l’offrir ; liberté de rejoindre ceux de son groupe (ethnie, sexe) ou de s’en défier ; de rester en couple ou de se séparer. Ainsi Hope n’est-il pas un film sur l’immigration (même si d’aucuns, comme Amnesty International, persisteront à le vendre comme tel, bêtement, sur son contexte), mais un récit de survie, d’adaptation et d’assomption de ses choix, défiant le regard discriminant de l’autre (des personnages ou du spectateur) et définissant une humanité échappant aux définitions faciles. Il ne donne aucune leçon, mais d’autres films pourraient y en prendre une. "

" Première fiction de Boris Lojkine (Les Âmes errantes), Hope n’est pas le premier film français à aborder le thème de l’immigration comme un récit d’aventures aux accents romanesques, dans un souci de tenir à distance le naturalisme qui pollue trop souvent le regard sur l’étranger acteur de ce phénomène médiatisé qu’est l’immigration. Citons pour exemples antérieurs La Pirogue de Moussa Touré, ou encore le court métrage Parmi nous de Clément Cogitore. Le naturalisme même, d’une manière générale, semble être la dernière vieille lune à abattre dans le « jeune » cinéma français récent, comme certaines comédies et drames ont fait mine de s’y employer avec plus ou moins de conviction, n’évitant qu’inégalement le piège du vernis et de la posture appliqués sur le refoulé (la question s’est encore posée récemment concernant le dernier film de Céline Sciamma Bande de filles).

Le récit d’aventures de Hope, lui, convainc parce qu’il établit très vite que sa matière première, l’immigration, n’est qu’un contexte sur lequel raconter son histoire. Cela tient au regard porté sur l’environnement et les personnages, sur les antagonismes de langues et de peuples, foisonnement qui jamais ne devient prétexte à un discours social ni à une démonstration de ressources narratives – qualité même pas entachée par les quelques accents volontaristes de l’imaginaire qu’il recherche (seconds rôles pas loin du pittoresque, solennité mystique de certaines scènes).

Ce sont surtout les deux personnages principaux qui parviennent à se rendre attachants, non par des caractéristiques affirmées et bien écrites, mais au contraire par leur façon d’échapper au jugement que leurs actes pourraient induire, tant ces actes doivent régulièrement s’adapter aux circonstances. D’où deux comportements fort peu monolithiques n’ayant pas peur du paradoxe, où les choix à l’urgence répétée dessinent l’absence de dirigisme de leur écriture, qui les empreint d’une réelle idée de liberté constamment mise à l’épreuve : liberté de disposer de son corps, de le protéger ou de l’offrir ; liberté de rejoindre ceux de son groupe (ethnie, sexe) ou de s’en défier ; de rester en couple ou de se séparer. Ainsi Hope n’est-il pas un film sur l’immigration (même si d’aucuns, comme Amnesty International, persisteront à le vendre comme tel, bêtement, sur son contexte), mais un récit de survie, d’adaptation et d’assomption de ses choix, défiant le regard discriminant de l’autre (des personnages ou du spectateur) et définissant une humanité échappant aux définitions faciles. Il ne donne aucune leçon, mais d’autres films pourraient y en prendre une. "