03 JUIN 2017

Critikat.com - Benoît Smith: Retour à Ithaque

" Laurent Cantet a tourné son nouveau film à La Havane, suite aux rencontres qu’il y avait faites pour son court métrage inclus dans le film collectif 7 jours à La Havane en 2012. Retour à Ithaque, cependant, affiche un dispositif qui rappelle un autre de ses films : Entre les murs – à ceci près qu’ici il n’y a pas de murs, du moins pas tout le temps, l’essentiel se déroulant sur une terrasse (...) On retrouve, sous une forme fragile et pas des plus habiles, l’habituel souci de Cantet de conjuguer portrait sociologique et drames intimes. C’est une intention assez récurrente dans le cinéma français (et rarement pour le meilleur, faute de sincérité du regard), mais il faut reconnaître que Cantet s’y est toujours pris avec un peu plus de doigté que la moyenne de ses compatriotes (...) Le dispositif est plus pertinent quand il met en jeu le versant intime de ses personnages, ménageant les questions, les révélations, les rétentions d’informations, les lapsus, les griefs, etc. de façon à maintenir l’intérêt et l’envie de continuer à suivre la conversation, comme devant un feuilleton (un des personnages ne compare-t-il pas leur situation à celle d’une telenovela ?). Encore une fois, le dispositif reste très théâtral, son aspect artificiel ne se fait pas totalement oublier, mais cela produit quelque chose, même au forceps. Un autre élément parlant, plus cinématographique, reste ce qui cerne l’espace des échanges : pas de murs, comme on disait, mais les rues en contrebas, avec leurs rumeurs, où ceux qui se sont mis en retrait provisoire de la discussion peuvent plonger leur regard et laisser paraître muettement leurs doutes. Dans la scène du repas chez la mère de l’un d’eux, où l’on quitte temporairement la terrasse pour une salle à manger, les murs prennent un rôle naturel de refuge relatif à la mise en danger où les personnages s’exposent à l’extérieur. Voilà de petites touches qui complètent et rehaussent un film à l’arrivée mi-figue mi-raisin, ce sentiment qu’inspire globalement la filmographie du réalisateur de L’Emploi du temps, entre pesanteur des intentions sociologiques et vraie prise en charge cinématographique de l’humain. "

" Laurent Cantet a tourné son nouveau film à La Havane, suite aux rencontres qu’il y avait faites pour son court métrage inclus dans le film collectif 7 jours à La Havane en 2012. Retour à Ithaque, cependant, affiche un dispositif qui rappelle un autre de ses films : Entre les murs – à ceci près qu’ici il n’y a pas de murs, du moins pas tout le temps, l’essentiel se déroulant sur une terrasse (...)

On retrouve, sous une forme fragile et pas des plus habiles, l’habituel souci de Cantet de conjuguer portrait sociologique et drames intimes. C’est une intention assez récurrente dans le cinéma français (et rarement pour le meilleur, faute de sincérité du regard), mais il faut reconnaître que Cantet s’y est toujours pris avec un peu plus de doigté que la moyenne de ses compatriotes (...)

Le dispositif est plus pertinent quand il met en jeu le versant intime de ses personnages, ménageant les questions, les révélations, les rétentions d’informations, les lapsus, les griefs, etc. de façon à maintenir l’intérêt et l’envie de continuer à suivre la conversation, comme devant un feuilleton (un des personnages ne compare-t-il pas leur situation à celle d’une telenovela ?). Encore une fois, le dispositif reste très théâtral, son aspect artificiel ne se fait pas totalement oublier, mais cela produit quelque chose, même au forceps.

Un autre élément parlant, plus cinématographique, reste ce qui cerne l’espace des échanges : pas de murs, comme on disait, mais les rues en contrebas, avec leurs rumeurs, où ceux qui se sont mis en retrait provisoire de la discussion peuvent plonger leur regard et laisser paraître muettement leurs doutes. Dans la scène du repas chez la mère de l’un d’eux, où l’on quitte temporairement la terrasse pour une salle à manger, les murs prennent un rôle naturel de refuge relatif à la mise en danger où les personnages s’exposent à l’extérieur. Voilà de petites touches qui complètent et rehaussent un film à l’arrivée mi-figue mi-raisin, ce sentiment qu’inspire globalement la filmographie du réalisateur de L’Emploi du temps, entre pesanteur des intentions sociologiques et vraie prise en charge cinématographique de l’humain. "