16 DÉCEMBRE 2019

Culturebox - Laurence Houot: Mon frère

"Avec Mon frère, son troisième film, en salles le 31 juillet, Julien Abraham poursuit son travail autour de la jeunesse et de la violence, amorcé avec La cité rose (2013). Mon frère est aussi le film qui donne son premier rôle au cinéma au rappeur MHD. A 24 ans, le précurseur en France de l'afro-trap est en détention provisoire depuis le mois de janvier 2019, mis en cause dans une enquête sur l'agression mortelle d'un jeune en juillet 2018 lors d'une rixe entre bandes à Paris. Une implication que conteste le rappeur. Drôle d'impression donc, quand démarre le film à bord d'un fourgon de police. Teddy, un jeune lycéen de 17 ans, vient d'être arrêté. On a juste le temps d'apercevoir sa grand-mère et son petit frère, à la sortie d'une audience, puis Teddy, en attendant d'être jugé, est transféré vers un Centre éducatif fermé (CEF), structure alternative à l'incarcération pour les mineurs délinquants, avec pour vocation de privilégier l'éducation. 12 adolescents réunis pour six mois dans un même lieu, sans barreau, encadrés par des éducateurs, loin de la ville. Injures, insultes, bagarres, Teddy, adolescent issu d'un milieu privilégié socialement même s'il a lui aussi grandi dans la violence, est immédiatement plongé dans l'ambiance du lieu, contraint de partager son quotidien avec des jeunes pour la plupart ultra-violents. Séances de "psycho-boxe" (une technique qui tend à libérer la parole par la boxe, utilisée dans les CEF), entretiens, piscine, cours de français… Les adultes tentent avec énergie, entre bienveillance et fermeté, de sortir ces jeunes de la spirale dans laquelle ils sont enfermés. Teddy, mutique, subit les agressions et le racisme de ses pairs, et notamment d'Enzo, le caïd du groupe… Pourquoi Teddy, qui semble être un garçon posé, s'est-il retrouvé dans cette situation ? Quel secret cache-t-il ? Comment va-t-il surmonter les épreuves qui l'attendent dans cet environnement hostile ? Que cache la violence des uns et des autres dans ce huis-clos étouffant ? Comment prendre en charge cette violence, comment la soigner ? Comment faire pour éviter que les enfants ne deviennent ces bombes ? L'Etat joue-t-il correctement son rôle de protecteur de l'enfance ? Toutes ces questions hantent le film, et par voie de conséquence le spectateur, mis en face d'une fiction en forme de documentaire. Julien Abraham assume son point de vue avec une mise en scène nerveuse, qui met tout en œuvre pour immerger le spectateur pendant une heure trente dans la violence de ce microcosme, au plus près de ses personnages : aux plans serrés succède une caméra en mouvement, sans en abuser. Une bande-son immersive dilate le vacarme et la tension régnant dans le centre, avec des notes aigues, qui s'étirent, posées sur des basses évocatrices d'une pulsation cardiaque. Les personnages sont magnifiquement interprétés par les comédiens. MHD est parfait dans le rôle de Teddy et Darren Muselet bouleversant dans le rôle d'Enzo, gamin fracassé par la vie, jouant aussi bien la violence, que la fragilité qu'elle masque, se dévoilant au fil du film avec une grande justesse. Les autres personnages, jeunes, éducateurs, personnels administratifs, tous composent un univers peint avec sincérité. Difficile en regardant ce film, de ne pas penser à MHD, ce jeune rappeur aux millions de "vues" sur YouTube, notamment pour son Part.3 (Champions League), tube à la gloire du PSG, Afro Trap. MHD et sa carrière fulgurante de musicien aujourd'hui en suspens, et une autre carrière, celle d'acteur, à peine amorcée avec ce beau rôle dans le film de Julien Abraham. Le réalisateur dit avoir été complètement "abasourdi" à l'annonce de sa détention, ajoutant qu'il ne veut "préjuger de rien". "C'est à la justice de trancher", dit-il, mais "au-delà de la situation de MHD, la violence de certains jeunes est un enjeu majeur de notre société", estime ce metteur en scène engagé, qui a tenu, avec son équipe, à inviter des jeunes de CEF sur le tournage de Mon frère. "Ce qui est drôle, c'est qu'on assistait parfois à la confrontation entre ceux qui jouaient à se disputer dans les scènes de repas, et les vrais jeunes de CEF qui faisaient des commentaires sur les situations et trouvaient ça très crédible", conclut Julien Abraham."

"Avec Mon frère, son troisième film, en salles le 31 juillet, Julien Abraham poursuit son travail autour de la jeunesse et de la violence, amorcé avec La cité rose (2013). Mon frère est aussi le film qui donne son premier rôle au cinéma au rappeur MHD. A 24 ans, le précurseur en France de l'afro-trap est en détention provisoire depuis le mois de janvier 2019, mis en cause dans une enquête sur l'agression mortelle d'un jeune en juillet 2018 lors d'une rixe entre bandes à Paris. Une implication que conteste le rappeur.

Drôle d'impression donc, quand démarre le film à bord d'un fourgon de police. Teddy, un jeune lycéen de 17 ans, vient d'être arrêté. On a juste le temps d'apercevoir sa grand-mère et son petit frère, à la sortie d'une audience, puis Teddy, en attendant d'être jugé, est transféré vers un Centre éducatif fermé (CEF), structure alternative à l'incarcération pour les mineurs délinquants, avec pour vocation de privilégier l'éducation. 12 adolescents réunis pour six mois dans un même lieu, sans barreau, encadrés par des éducateurs, loin de la ville.

Injures, insultes, bagarres, Teddy, adolescent issu d'un milieu privilégié socialement même s'il a lui aussi grandi dans la violence, est immédiatement plongé dans l'ambiance du lieu, contraint de partager son quotidien avec des jeunes pour la plupart ultra-violents. Séances de "psycho-boxe" (une technique qui tend à libérer la parole par la boxe, utilisée dans les CEF), entretiens, piscine, cours de français… Les adultes tentent avec énergie, entre bienveillance et fermeté, de sortir ces jeunes de la spirale dans laquelle ils sont enfermés. Teddy, mutique, subit les agressions et le racisme de ses pairs, et notamment d'Enzo, le caïd du groupe… 

Pourquoi Teddy, qui semble être un garçon posé, s'est-il retrouvé dans cette situation ? Quel secret cache-t-il ? Comment va-t-il surmonter les épreuves qui l'attendent dans cet environnement hostile ? Que cache la violence des uns et des autres dans ce huis-clos étouffant ? Comment prendre en charge cette violence, comment la soigner ? Comment faire pour éviter que les enfants ne deviennent ces bombes ? L'Etat joue-t-il correctement son rôle de protecteur de l'enfance ? Toutes ces questions hantent le film, et par voie de conséquence le spectateur, mis en face d'une fiction en forme de documentaire.

Julien Abraham assume son point de vue avec une mise en scène nerveuse, qui met tout en œuvre pour immerger le spectateur pendant une heure trente dans la violence de ce microcosme, au plus près de ses personnages : aux plans serrés succède une caméra en mouvement, sans en abuser. Une bande-son immersive dilate le vacarme et la tension régnant dans le centre, avec des notes aigues, qui s'étirent, posées sur des basses évocatrices d'une pulsation cardiaque.

Les personnages sont magnifiquement interprétés par les comédiens. MHD est parfait dans le rôle de Teddy et Darren Muselet bouleversant dans le rôle d'Enzo, gamin fracassé par la vie, jouant aussi bien la violence, que la fragilité qu'elle masque, se dévoilant au fil du film avec une grande justesse. Les autres personnages, jeunes, éducateurs, personnels administratifs, tous composent un univers peint avec sincérité.

Difficile en regardant ce film, de ne pas penser à MHD, ce jeune rappeur aux millions de "vues" sur YouTube, notamment pour son Part.3 (Champions League), tube à la gloire du PSG, Afro Trap. MHD et sa carrière fulgurante de musicien aujourd'hui en suspens, et une autre carrière, celle d'acteur, à peine amorcée avec ce beau rôle dans le film de Julien Abraham. 

Le réalisateur dit avoir été complètement "abasourdi" à l'annonce de sa détention, ajoutant qu'il ne veut "préjuger de rien". "C'est à la justice de trancher", dit-il, mais "au-delà de la situation de MHD, la violence de certains jeunes est un enjeu majeur de notre société", estime ce metteur en scène engagé, qui a tenu, avec son équipe, à inviter des jeunes de CEF sur le tournage de Mon frère"Ce qui est drôle, c'est qu'on assistait parfois à la confrontation entre ceux qui jouaient à se disputer dans les scènes de repas, et les vrais jeunes de CEF qui faisaient des commentaires sur les situations et trouvaient ça très crédible", conclut Julien Abraham."