28 FÉVRIER 2011

Edwin Baily : "Mathilde, ma soeur, ma mère, mon amante..."

Un film sur les femmes, un film sur la voix du sang, un film où l'imaginaire du spectateur est invitée à s'engouffrer... Le réalisateur explique ici ses intentions.

"Il y a une intention générale, celle que la fin élucide, qui est inscrite en demi-teinte tout le long du récit : la voix du sang. Mathilde en effet recherche ses origines et se fait confirmer ce qu'elle savait déjà, son grand-père n'est qu'à moitié français, sa mère ayant "fauté" avec un espagnol. Et ce sang espagnol, on le retrouve chez Mathilde dans son caractère - fierté, autorité, fougue - mais surtout dans sa relation avec Mano. Elle ne sait pas ce qui l'attire en lui, ne veut pas l'admettre et lorsqu'elle cède enfin, l'explication est donnée, Mano n'était pas là par hasard, mais envoyé par son arrière grand-père.

L'élément central de l'intrigue, le point où toute l'histoire va se mettre en place est l'accident de Mathilde. C'est à partir de là qu'elle décide tout à la fois de régler ses comptes avec son passé et d'aller de l'avant. Métaphore des pigeons sur le désir de s'échapper d'une vie quotidienne, de pousser la porte... Mano est le lien de tout le récit : Mathilde et ses origines, Mathilde et ses amours, Mathilde et sa vie après l'accident, Mathilde et ses sœurs. Rythme du temps qui passe.

C'est aussi la vie d'une femme et les rapports des femmes entre elles : relations avec ses sœurs et la marchande de poisson. Intentions développées non parce qu'elles sont nécessaires à l'intrigue, mais plutôt parce qu'elles font parties de la vie, celle d'un couple, les remords, le destin... Faut-il aimer Mathilde ? est un film sur les femmes.

Pour mettre en place le tournage, je veux un travail préparatoire important avec les acteurs de façon à trouver au moment de la mise en scène une fluidité, et faire la part belle à "l'improvisation de circonstance", pour qu'ils puissent s'installer avec toute leur personnalité, importer leur affectivité, et redonner l'humanité contenue dans le scénario. Je préfère les phrases simples, plans fixes où les acteurs sont en devenir, déplacement de la caméra où l'on oublie une action qui se déroule, pour y revenir ensuite en plans plus serrés, sur le geste ou le faux geste, l'approximation tant désirée dans laquelle l'imaginaire du spectateur va s'engouffrer.

Déterminer l'urgence d'un plan, tant dans son jeu, son décor ou son rythme. Et ainsi donner tout le sentiment lyrique également contenu pour moi dans le paysage du Nord que je sais par expérience d'une remarquable photogénie. Quand la télévision est apparue, je me souviens, les gens disaient : "c'est affreux, on voit tous les défauts de la peau !". En fait ce qu'ils traduisaient, c'est qu'on ne leur laissait plus rien à deviner ni à compléter mentalement. Aussi la photo sera une photo en tension, ou la zone d'ombre tend la lumière sur une matière colorée, saturée et consistante.

Mathilde ma sœur, Mathilde ma mère, souvent amante... Est-ce que je l'aime. Encore ici je doute de la qualité de mes sentiments et cette fragilité, je veux la retrouver tout au long du film."

Edwin Baily