Europe, un continent bouleversé - “L’Europe comme un tout”
Quel regard porter sur une Europe en pleines turbulences ? Andreas Pichler, qui a coordonné l’écriture et la réalisation de cette série, revient sur les choix forts qui ont guidé sa conception.
Comment est née cette série documentaire ?
Andreas Pichler : L’impulsion est venue de Luc Martin-Gousset, le producteur français avec qui j’’avais déjà réalisé pour ARTE « Europe à vendre », où il était question du bradage des patrimoines culturels et naturels. Nous avons cette fois souhaité montrer le continent tel que ses citoyens le vivent, et non l’Europe politique.
Comment l’avez-vous conçue ?
Andreas Pichler : Il était essentiel pour moi d’adopter une perspective paneuropéenne : je tenais à ce qu’on considère enfin l’Europe comme un tout. Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de différences flagrantes entre les nations, mais ce continent est bien plus interconnecté qu’on ne le pense. Pour choisir les thèmes porteurs, comme l’agriculture ou le numérique, nous avons rencontré de nombreux experts, puis suivi sur le terrain des protagonistes à la forte personnalité. Nous avons aussi souhaité contextualiser et élargir notre vision, d’où le recours à des datavisualisations et à des prises de vues aériennes, qui permettent de porter un regard particulier sur les paysages, de les déchiffrer.
Vous avez consulté de nombreux spécialistes, mais les épisodes ne comportent aucune interview d’expert. Pourquoi ?
Andreas Pichler : Notre objectif était de produire une série vivante et touchante, ce qui n’est pas évident quand on aborde des sujets complexes et techniques. Aussi, nous avons décidé de renoncer au format classique de l’interview d’expert. Nous avons préféré montrer nos protagonistes en action dans leur environnement. Nombre d’entre eux sont d’ailleurs, d’une certaine manière, des spécialistes de leur domaine, tels le chauffeur de poids lourd ou l’investisseuse spécialisée dans l’informatique et la technologie. Autant de rencontres avec des Européens très divers, en respectant bien sûr la parité homme-femme.
De quelle façon avez-vous intégré, à la dernière minute, les événements récents en Ukraine ?
Andreas Pichler : Nous avions terminé le montage des épisodes lorsque la guerre a éclaté : la seconde crise mondiale que nous traversions au cours de ce projet après la pandémie. Nos thèmes centraux et notre approche demeuraient fondamentalement justes, mais j’ai estimé que nous devions adapter certains récits et revoir, parfois, la structure des épisodes. Pour le thème de l’énergie, nous avons filmé quelques interviews supplémentaires. Pour celui des migrations, nous avons retracé l’histoire de la frontière ukraino-polonaise, afin d’intégrer la catastrophe humanitaire en cours. Un an avant, nous avions déjà tourné dans la zone, mais il s’agissait alors de montrer les intenses migrations de travail de l’Ukraine vers la Pologne...
Propos recueillis par Bettina Melzer
Retrouvez la série documentaire en cliquant ici.