28 MAI 2018

Interview de Claudia Tagbo - Le temps des égarés

Interview de l'actrice Claudia Tagbo dans le ARTE Magazine n° 21 par Jonathan Lennuyeux-Commène.

Media

Passée par le Jamel Comedy Club, l’humoriste dévoile pour « Le temps des égarés », de Virginie Sauveur, une facette méconnue de son talent, dans le rôle intense et ambigu d’une traductrice monnayant ses services auprès des demandeurs d’asile.

 

Ces dernières années, vous vous êtes principalement illustrée dans le stand-up et la comédie. Comment avez-vous accueilli la proposition de Virginie Sauveur ?

 

Claudia Tagbo :

Quand tu fais de l'humour, on a du mal à penser que tu peux faire autre chose. Les gens oublient que j'ai commencé ma carrière par le théâtre classique et par des films comme « Congorama », qui n'était pas une comédie. Alors quand un projet comme « Le temps des égarés » arrive, je suis surprise. Le scénario était vraiment très bien écrit. On y sentait déjà ce mélange de dureté et d’émotion qu’on retrouve dans le film. Le fait qu’il soit mis en scène par Virginie Sauveur a achevé de me donner confiance. C’est elle qui est venue me chercher. Sur le plateau, elle me disait : « Tu es une actrice », tout simplement.

 

De fait, le personnage de Sira Diabaté semble très éloigné de vous !

Elle ne sourit quasiment jamais. Sira est une femme rigide, presque robotique. Entre chaque prise, j’avais besoin d’ouvrir la soupape, de rigoler avec quelqu’un pour relâcher les muscles ! Si elle aide des gens, c’est pour son profit personnel. C’est un personnage dur, mais juste dans ce qu’il reflète de notre société. Elle est dans le « game » tel qu’il se joue aujourd’hui. À mesure que le film avance, on comprend pourquoi elle montre les dents tout le temps. La bascule se fait avec la petite Assa, qui est comme son miroir. L’enfant va lui donner l’occasion non pas de se racheter, mais d’aider autrement.

 

Vous êtes-vous documentée sur la réalité vécue par les migrants pour aborder ce rôle ?

Gaëlle Bellan, la scénariste et Virginie Sauveur ont fait un gros travail de documentation. Elles nous en ont fait bénéficier, en nous expliquant le rôle des différents acteurs de l’accueil des réfugiés. De mon côté, j’ai regardé de plus près plusieurs parcours de migrants. J’avais besoin d’avoir une idée claire de ce qu’ils peuvent avoir vécu avant d’arriver ici. Il faut avoir une sacrée force pour tenir jusqu’au bout, et ne pas oublier ce pourquoi on est parti. Il faut s’accrocher à sa faim pour pouvoir se relever. Cependant, on a beau se documenter, rencontrer des gens, tant qu’on n’y est pas directement confronté, cela reste de la fiction. Mais je ne me suis jamais sentie démunie sur le plateau. Je savais pourquoi j’étais là et ce que j’étais en train de défendre.

 

Votre personnage dit à Assa qu’à l’avenir elle ne pourra compter que sur elle-même. Partagez-vous sa vision des choses ?

C’est une des répliques les plus dures que j’aie eu à prononcer dans ce film. Je ne souhaite à personne de ne devoir compter que sur soi... Ce qui est sûr, c’est que nous sommes les principaux auteurs de notre destin. Comme je le dis dans mon dernier spectacle, on traverse tous des tunnels, mais c’est à chacun d’allumer la première lumière, même si c’est une toute petite flamme. À partir de là, les autres peuvent se joindre à nous et nous aider.