03 JUIN 2017

L'Humanité - Gilles Le Morvan: Aux yeux du monde

" Aux yeux du monde est un huis-clos qui bouge, un théâtre à roulettes d’où s’échappe parfois le protagoniste. Il sort du véhicule à intervalles réguliers pour appeler Juliette d’une cabine téléphonique, lieu clos indispensable à tous les films au moment où le preneur d’otages indique l’endroit du dépôt de la rançon. C’est l’occasion pour Rochant de se colleter avec le langage, ou plutôt l’incompréhension qui entoure son héros. A Bruno dans la panade, elle dit au téléphone, de sa voix la plus gentille : « Pourquoi t’as pas pris le train ? Ça m’aurait fait plaisir aussi. » Autre mur, plus rude : les jolies phrases posément dites par l’institutrice en retour des paroles bâclées et des mots hésitants jetés, par Bruno, comme des poignées de cailloux sur la route. Question compréhension, le spectateur se heurte lui aussi à un obstacle : dépourvu d’éléments biographiques, il se sent obligé d’adhérer sans réserves à l’héroïsme angélique de Bruno. Le parti-pris de mise en scène va dans ce sens : plans serrés et désintérêt du monde dont il est question dans le titre. Mais en s’appliquant à ne pas lâcher son personnage d’un pouce, Rochant en fait le porte-parole de sa sincérité, l’ultime rempart de la tendresse et de l’émotion..."

" Aux yeux du monde est un huis-clos qui bouge, un théâtre à roulettes d’où s’échappe parfois le protagoniste. Il sort du véhicule à intervalles réguliers pour appeler Juliette d’une cabine téléphonique, lieu clos indispensable à tous les films au moment où le preneur d’otages indique l’endroit du dépôt de la rançon.
C’est l’occasion pour Rochant de se colleter avec le langage, ou plutôt l’incompréhension qui entoure son héros. A Bruno dans la panade, elle dit au téléphone, de sa voix la plus gentille : « Pourquoi t’as pas pris le train ? Ça m’aurait fait plaisir aussi. » Autre mur, plus rude : les jolies phrases posément dites par l’institutrice en retour des paroles bâclées et des mots hésitants jetés, par Bruno, comme des poignées de cailloux sur la route.
Question compréhension, le spectateur se heurte lui aussi à un obstacle : dépourvu d’éléments biographiques, il se sent obligé d’adhérer sans réserves à l’héroïsme angélique de Bruno. Le parti-pris de mise en scène va dans ce sens : plans serrés et désintérêt du monde dont il est question dans le titre. Mais en s’appliquant à ne pas lâcher son personnage d’un pouce, Rochant en fait le porte-parole de sa sincérité, l’ultime rempart de la tendresse et de l’émotion..."