19 AOÛT 2019

La Croix - Céline Rouden: El Reino

"Pour bâtir ce thriller politique haletant, le réalisateur Rodrigo Sorogoyen s’est directement inspiré des scandales qui ont émaillé la vie publique espagnole au cours des dix dernières années, révélant un système de corruption quasiment institutionnalisé. On pense à l’affaire Gürtel qui a éclaboussé en 2009 de nombreux cadres du Parti populaire, mais le film ne cite à dessein ni nom de parti ni localisation comme pour mieux en souligner la portée universelle. Une condition indispensable, selon le cinéaste, pour se centrer sur l’aspect humain plus que politique de ce phénomène. « Nous voulions faire un film à suspense qui accroche le spectateur mais qui parle aussi des êtres humains et de leur noirceur, explique-t-il. Le sujet est la corruption pas seulement politique mais aussi humaine. Le mensonge comme façon de vivre. » De ce parti pris découlait un second choix décisif, celui de raconter l’histoire du point de vue de Manuel, le corrompu, et non de celui de l’autorité morale qui dévoile et réprime le scandale. La caméra collée au personnage, interprété par l’impressionnant Antonio de la Torre présent dans toutes les scènes, nous entraîne ainsi dans la spirale de dénis et de mensonges dans laquelle il va peu à peu s’enfermer pour sauver sa peau, plutôt que de reconnaître ses torts et assumer sa culpabilité. L’impression qui en résulte est glaçante mais plonge le spectateur avec le héros dans cette fuite en avant mortifère. Remarqué pour son précédent long métrage, Que Dios nos perdone, enquête sur un tueur de vieilles dames à Madrid sur fond de mouvement des Indignés et de Journées mondiales de la jeunesse, le jeune réalisateur impressionne une fois de plus par la virtuosité de sa mise en scène. Elle scinde le film en deux parties opposées. La première, survoltée, lumineuse, bavarde, outrée – on pense parfois à Sorrentino – nous introduit sans préambule dans une réalité crapuleuse dont on a du mal, et c’est à dessein, à bien comprendre tous les rouages. La seconde, sombre, pluvieuse, trépidante, reprend les codes plus classiques du polar pour conduire son héros jusqu’à sa destinée finale, faisant se refermer sur lui-même un piège qu’il a contribué à créer. La réussite de ce film noir confirme en tout cas le talent de toute une nouvelle génération de cinéastes espagnols qui utilisent le genre pour tendre à la société espagnole le miroir de ses turpitudes et de son mal-être."

"Pour bâtir ce thriller politique haletant, le réalisateur Rodrigo Sorogoyen s’est directement inspiré des scandales qui ont émaillé la vie publique espagnole au cours des dix dernières années, révélant un système de corruption quasiment institutionnalisé. On pense à l’affaire Gürtel qui a éclaboussé en 2009 de nombreux cadres du Parti populaire, mais le film ne cite à dessein ni nom de parti ni localisation comme pour mieux en souligner la portée universelle.

Une condition indispensable, selon le cinéaste, pour se centrer sur l’aspect humain plus que politique de ce phénomène. « Nous voulions faire un film à suspense qui accroche le spectateur mais qui parle aussi des êtres humains et de leur noirceur, explique-t-il. Le sujet est la corruption pas seulement politique mais aussi humaine. Le mensonge comme façon de vivre. »

De ce parti pris découlait un second choix décisif, celui de raconter l’histoire du point de vue de Manuel, le corrompu, et non de celui de l’autorité morale qui dévoile et réprime le scandale. La caméra collée au personnage, interprété par l’impressionnant Antonio de la Torre présent dans toutes les scènes, nous entraîne ainsi dans la spirale de dénis et de mensonges dans laquelle il va peu à peu s’enfermer pour sauver sa peau, plutôt que de reconnaître ses torts et assumer sa culpabilité. L’impression qui en résulte est glaçante mais plonge le spectateur avec le héros dans cette fuite en avant mortifère.

Remarqué pour son précédent long métrage, Que Dios nos perdone, enquête sur un tueur de vieilles dames à Madrid sur fond de mouvement des Indignés et de Journées mondiales de la jeunesse, le jeune réalisateur impressionne une fois de plus par la virtuosité de sa mise en scène. Elle scinde le film en deux parties opposées.

La première, survoltée, lumineuse, bavarde, outrée – on pense parfois à Sorrentino – nous introduit sans préambule dans une réalité crapuleuse dont on a du mal, et c’est à dessein, à bien comprendre tous les rouages. La seconde, sombre, pluvieuse, trépidante, reprend les codes plus classiques du polar pour conduire son héros jusqu’à sa destinée finale, faisant se refermer sur lui-même un piège qu’il a contribué à créer.

La réussite de ce film noir confirme en tout cas le talent de toute une nouvelle génération de cinéastes espagnols qui utilisent le genre pour tendre à la société espagnole le miroir de ses turpitudes et de son mal-être."