02 JUILLET 2019

La Croix - Céline Rouden: M (Yolande Zauberman)

"Menahem avec sa rage contenue, son grand sourire, sa foi intacte, et son insatiable besoin de parler nous entraîne dans la topographie de son malheur : l’immeuble où l’a emmené le rabbin qui l’a violé, le cimetière où ce dernier a abusé de centaines d’enfants, la synagogue « où l’on m’a taillé mes papillotes, où j’ai passé ma bar-mitsva, où je me suis marié, où j’ai divorcé. Là aussi où on m’a violé », et enfin le quartier où réside son dernier agresseur, responsable de la Yechivah où il étudiait le Talmud, qu’il interpelle bruyamment depuis la rue. Ce faisant, il nous emmène à la découverte de cette communauté ultra-orthodoxe repliée sur elle-même, organisée en « dynasties » dirigées chacune par un Admor (un maître), où les enfants nombreux (sept à dix par famille) occupent une place centrale, où la sexualité est taboue, les mariages arrangés et où les différends se règlent devant le rabbin plutôt que devant la justice. Tourné majoritairement de nuit, filmant les visages en gros plan, le documentaire renforce cette atmosphère de huis clos étouffant dans lequel Menahem s’est retrouvé piégé. On s’attend à une communauté austère, hostile, impénétrable, on découvre une ville bruyante, joyeuse, bavarde. Des hommes (les femmes sont quasiment absentes) qui acceptent d’écouter, d’engager le dialogue avec Menahem, de se confier sur les abus qu’ils ont eux-mêmes subi et leur hantise du Galgal (le cercle vicieux) par lequel les victimes se transforment à leur tour en bourreaux. « Avec Menahem, j’avance portant ma caméra comme le joueur de flûte, et les enfants blessés apparaissent par magie et nous suivent », commente la réalisatrice. De cette libération spontanée de la parole, qui permet de mesurer avec effarement l’ampleur et la permanence des abus au sein de cette communauté, naît étrangement quelque chose de lumineux et de salvateur, notamment lors de l’émouvante séquence de retrouvailles avec ses parents. Une chaleur qui irradie tout le film et culmine lorsque Menahem, entouré des membres de son ancienne communauté, entonne spontanément un chant religieux comme en hommage à son innocence sacrifiée."

"Menahem avec sa rage contenue, son grand sourire, sa foi intacte, et son insatiable besoin de parler nous entraîne dans la topographie de son malheur : l’immeuble où l’a emmené le rabbin qui l’a violé, le cimetière où ce dernier a abusé de centaines d’enfants, la synagogue « où l’on m’a taillé mes papillotes, où j’ai passé ma bar-mitsva, où je me suis marié, où j’ai divorcé. Là aussi où on m’a violé », et enfin le quartier où réside son dernier agresseur, responsable de la Yechivah où il étudiait le Talmud, qu’il interpelle bruyamment depuis la rue.

Ce faisant, il nous emmène à la découverte de cette communauté ultra-orthodoxe repliée sur elle-même, organisée en « dynasties » dirigées chacune par un Admor (un maître), où les enfants nombreux (sept à dix par famille) occupent une place centrale, où la sexualité est taboue, les mariages arrangés et où les différends se règlent devant le rabbin plutôt que devant la justice. Tourné majoritairement de nuit, filmant les visages en gros plan, le documentaire renforce cette atmosphère de huis clos étouffant dans lequel Menahem s’est retrouvé piégé.

On s’attend à une communauté austère, hostile, impénétrable, on découvre une ville bruyante, joyeuse, bavarde. Des hommes (les femmes sont quasiment absentes) qui acceptent d’écouter, d’engager le dialogue avec Menahem, de se confier sur les abus qu’ils ont eux-mêmes subi et leur hantise du Galgal (le cercle vicieux) par lequel les victimes se transforment à leur tour en bourreaux. « Avec Menahem, j’avance portant ma caméra comme le joueur de flûte, et les enfants blessés apparaissent par magie et nous suivent », commente la réalisatrice.

De cette libération spontanée de la parole, qui permet de mesurer avec effarement l’ampleur et la permanence des abus au sein de cette communauté, naît étrangement quelque chose de lumineux et de salvateur, notamment lors de l’émouvante séquence de retrouvailles avec ses parents. Une chaleur qui irradie tout le film et culmine lorsque Menahem, entouré des membres de son ancienne communauté, entonne spontanément un chant religieux comme en hommage à son innocence sacrifiée."