28 FÉVRIER 2011

Le bon et le méchant

On ne voit qu'eux : Gérald Laroche, découvert chez Xavier Durringer, l'incroyable voyou de "J'irai au paradis car l'enfer" s'est transformé en ouvrier sympa et arrangeant. Face à lui, Marc Barbé offre son regard inquisiteur, perdu et inquiétant.

On ne voit qu'eux : deux acteurs exceptionnels, d'apparence ordinaire mais d'une incroyable intensité. Il y a Gérald Laroche, découvert chez Xavier Durringer. L'incroyable voyou de J'irai au paradis car l'enfer est ici s'est transformé en ouvrier à la chaîne dans une usine de verre. Un gars sympa, arrangeant, qui aime sa femme et s'occupe de son fils. Un type sans histoires et qui n'en cherche pas.

Pourtant, sa vie devient un cauchemar quand, pour gagner un peu plus d'argent, il passe dans l'équipe de nuit et fait les "3x8". Là, apparaît son collègue, séduisant, matamore, déglingué... et tellement faible avec lui-même qu'il en vient à sadiser le nouveau venu. Dans ce rôle de "méchant", d'autant plus terrifiant qu'il ne s'appuie que sur des petites humiliations quotidiennes, Marc Barbé offre son regard inquisiteur, perdu, inquiétant, et une présence lourde, un véritable et indéfinissable malaise qu'on lui connaissait déjà dans Sombre de Philippe Grandrieux, où il tenait le rôle de l'assassin. Evidemment, c'est aussi plus que ça. C'est la sympathie qu'il provoque, la compréhension que l'acteur nous accorde envers son personnage qui le rend aussi détestable en même temps qu'on se prend d'envie de lui tendre la main.

Le tortionnaire, Marc Barbé en fait deviner les faiblesses, en souligne les mensonges, le rend... proche. Et le duel de ces deux hommes qui ne cessent de se chercher dans tous les sens du terme, devient fascinant, alternant les élans d'attraction et de répulsion. Le réalisateur observe d'ailleurs calmement la situation, sans en rajouter. Le scénario, comme la réalisation, est d'une sobriété glaçante. A la recherche du détail juste. Implacable. Ce sont alors les comédiens qui, très justement, font exploser le cadre. Leur humanité, terriblement petite, s'en trouve grandie.

Philippe Piazzo