19 AOÛT 2019

Le Monde - Jean-François Rauger: Les Oiseaux de passage

Les premières images du film transportent le spectateur au centre d’une communauté wayuu, des Indiens de Colombie dont la vie et la compréhension du monde sont régies par un certain nombre de croyances et de rites destinés tout à la fois à donner du sens à celui-ci et à en assurer la cohérence. Une cérémonie dansée, installant un sentiment de transe et d’hallucination, destinée à fêter la sortie d’une jeune fille de son adolescence, inaugure un récit qui peu à peu va élargir le théâtre des événements. L’histoire que conte Les Oiseaux de passage, que l’on devine être la genèse des cartels de la drogue en Colombie, s’étale sur deux décennies, du début des années 1970 à la fin des années 1980 ; soit la chronique de la création d’un nouveau monde et la destruction d’un ancien. La construction du récit en chapitres (de la naissance à la chute en, passant par la prospérité et la guerre) dessine une sorte de fatalité qui est aussi celle inscrite par les conventions d’un genre cinématographique, celui du film de gangsters dont est respecté la courbe dramatique. Mais le film de Cristina Gallego et Ciro Guerra interroge par ailleurs cette fatalité, sans vouloir forcément la réduire à un déterminisme purement humain, en la confrontant aussi à une cosmogonie particulière. Le sujet du film n’est-il pas l’impossibilité de faire coïncider un ordre symbolique, celui qui guide la vie des Wayuu (dont le non-respect entraîne la destruction de fonctionnements ancestraux) avec celui défini par la compétition et l’avidité ? Les Oiseaux de passage navigue ainsi entre la description d’un mécanisme fatal (nourri parfois de conventions un peu attendues comme le comportement de Leonidas, le fils de Rapayet, jeune chien fou qui va dérégler la machine du trafic de drogue) et celle d’un ordre secret, occulte, prodigieux et métaphysique, tout à la fois fragile et menaçant. L’on passe ainsi de la logique du récit criminel à celle de la fable, voire du conte teinté de surnaturel. Ce que la conclusion du film soulignera alors qu’une forme de chaos aura eu raison de l’équilibre initial. On peut penser au cinéma d’un Glauber Rocha, qui mêlait métaphore politique et fascination pour des rituels débarrassant le récit de tout naturalisme, le faisant irrésistiblement basculer dans une dimension magique.

Les premières images du film transportent le spectateur au centre d’une communauté wayuu, des Indiens de Colombie dont la vie et la compréhension du monde sont régies par un certain nombre de croyances et de rites destinés tout à la fois à donner du sens à celui-ci et à en assurer la cohérence. Une cérémonie dansée, installant un sentiment de transe et d’hallucination, destinée à fêter la sortie d’une jeune fille de son adolescence, inaugure un récit qui peu à peu va élargir le théâtre des événements.

L’histoire que conte Les Oiseaux de passage, que l’on devine être la genèse des cartels de la drogue en Colombie, s’étale sur deux décennies, du début des années 1970 à la fin des années 1980 ; soit la chronique de la création d’un nouveau monde et la destruction d’un ancien. La construction du récit en chapitres (de la naissance à la chute en, passant par la prospérité et la guerre) dessine une sorte de fatalité qui est aussi celle inscrite par les conventions d’un genre cinématographique, celui du film de gangsters dont est respecté la courbe dramatique.

Mais le film de Cristina Gallego et Ciro Guerra interroge par ailleurs cette fatalité, sans vouloir forcément la réduire à un déterminisme purement humain, en la confrontant aussi à une cosmogonie particulière. Le sujet du film n’est-il pas l’impossibilité de faire coïncider un ordre symbolique, celui qui guide la vie des Wayuu (dont le non-respect entraîne la destruction de fonctionnements ancestraux) avec celui défini par la compétition et l’avidité ?

Les Oiseaux de passage navigue ainsi entre la description d’un mécanisme fatal (nourri parfois de conventions un peu attendues comme le comportement de Leonidas, le fils de Rapayet, jeune chien fou qui va dérégler la machine du trafic de drogue) et celle d’un ordre secret, occulte, prodigieux et métaphysique, tout à la fois fragile et menaçant. L’on passe ainsi de la logique du récit criminel à celle de la fable, voire du conte teinté de surnaturel. Ce que la conclusion du film soulignera alors qu’une forme de chaos aura eu raison de l’équilibre initial. On peut penser au cinéma d’un Glauber Rocha, qui mêlait métaphore politique et fascination pour des rituels débarrassant le récit de tout naturalisme, le faisant irrésistiblement basculer dans une dimension magique.