07 JUIN 2017

Le Monde - Thomas Sotinel: Un enfant de toi

Cette classification "Pourquoi pas" s'est rarement aussi bien appliquée à un film qui semble être mu par ce principe d'incertitude. Jacques Doillon explique qu'il est parti de bribes d'un scénario inutilisé – pourquoi pas en faire un film ? Au sommet obtus de ce triangle amoureux, il y a Aya (Lou Doillon), qui vit avec Victor (Malik Zidi) et Lina (Olga Milshtein) la petite fille qu'elle a eu jadis avec Louis (Samuel Benchetrit). Aya se dit " faire un autre enfant, pourquoi pas ? ". De Victor, le dentiste rationnel ? De Louis, qui joue pour l'éternité les prolongations de son adolescence ? Pourquoi pas ?. Cent trente six minutes plus tard, Aya parvient à la conclusion de cette oscillation. Dès les premiers plans, qui montrent ses retrouvailles avec Louis, on est pris dans une hésitation proche de l'aboulie. Le jeune homme se dandine d'un pied sur l'autre et la caméra portée mime son mouvement. Pour les spectacteurs sujets au mal de mer, l'effet est pénible. Tout comme sont pénibles les bévues, inattendues d'un cinéaste aussi sensible. Victor est dentiste, pour signifier la banalité de son être, c'est un lieu commun, il suffit d'avoir vu Un plan parfait, comédie sentimentale ratée dans laquelle Diane Kruger tentait d'échapper à sa condition odontologique pour s'en convaincre. On peut s'agacer, légitimement, de l'inconsistance des dialogues. Doillon, qui les a écrits, aspirait sans doute à la légèreté, mais les duos entre Aya et Louis font l'effet d'un concours d'inconséquence, de mesquinerie déguisée en libertinage. La petite Olga Milshtein, merveilleuse Respectant l'ordonnancement réquisitoire-plaidoirie, on a fait passer le "pas" avant le "pourquoi". Il y a des raisons d'aller voir Un enfant de toi. La principale s'appelle Olga Milshtein, la petite fille qui tient le rôle de Lina. Pour la filmer, Doillon retrouve l'attention fiévreuse qu'il accordait à Ponette ou à Mado, dans La Drôlesse. Contrairement à celles qui l'ont précédée, Lina n'a pas de tragédie à affronter, à moins que l'inconsistance (et l'on suppose que le mot que l'auteur visait était "inconstance") des adultes qui l'entoure en soit une. Elle fait face avec un mélange de joie de vivre et de malice qu'elle étale avec la complaisance enjouée qu'on met à exposer sa collection de poupées. En sa compagnie, Lou Doillon trouve enfin la mesure de son personnage de mère délibérément indigne et tout à fait aimante (les deux partenaires masculins s'en tirent moins bien, particulièrement Samuel Benchetrit, dont on veut croire qu'il fait exprès d'être aussi fat). La ressemblance de l'actrice avec sa mère, Jane Birkin, qui jadis illumina de ses larmes quelques films de Doillon est une autre raison d'aller voir Un enfant de toi, pas forcément bonne, mais séduisante pour les plus vieux des spectateurs. Cette ressemblance n'est pas constante, elle surgit par éclairs au gré des angles de la caméra, de la lumière et des expressions de l'actrice, suscitant des échos de séquences qu'on croyait oubliées. Ces moments rappellent qui est Jacques Doillon et font espérer que ce long moment d'incertitude n'est qu'un passage vers un regain d'intensité.

Cette classification "Pourquoi pas" s'est rarement aussi bien appliquée à un film qui semble être mu par ce principe d'incertitude. Jacques Doillon explique qu'il est parti de bribes d'un scénario inutilisé – pourquoi pas en faire un film ? Au sommet obtus de ce triangle amoureux, il y a Aya (Lou Doillon), qui vit avec Victor (Malik Zidi) et Lina (Olga Milshtein) la petite fille qu'elle a eu jadis avec Louis (Samuel Benchetrit). Aya se dit " faire un autre enfant, pourquoi pas ? ". De Victor, le dentiste rationnel ? De Louis, qui joue pour l'éternité les prolongations de son adolescence ? Pourquoi pas ?.

Cent trente six minutes plus tard, Aya parvient à la conclusion de cette oscillation. Dès les premiers plans, qui montrent ses retrouvailles avec Louis, on est pris dans une hésitation proche de l'aboulie. Le jeune homme se dandine d'un pied sur l'autre et la caméra portée mime son mouvement. Pour les spectacteurs sujets au mal de mer, l'effet est pénible. Tout comme sont pénibles les bévues, inattendues d'un cinéaste aussi sensible. Victor est dentiste, pour signifier la banalité de son être, c'est un lieu commun, il suffit d'avoir vu Un plan parfait, comédie sentimentale ratée dans laquelle Diane Kruger tentait d'échapper à sa condition odontologique pour s'en convaincre. On peut s'agacer, légitimement, de l'inconsistance des dialogues. Doillon, qui les a écrits, aspirait sans doute à la légèreté, mais les duos entre Aya et Louis font l'effet d'un concours d'inconséquence, de mesquinerie déguisée en libertinage.

La petite Olga Milshtein, merveilleuse

Respectant l'ordonnancement réquisitoire-plaidoirie, on a fait passer le "pas" avant le "pourquoi". Il y a des raisons d'aller voir Un enfant de toi. La principale s'appelle Olga Milshtein, la petite fille qui tient le rôle de Lina. Pour la filmer, Doillon retrouve l'attention fiévreuse qu'il accordait à Ponette ou à Mado, dans La Drôlesse. Contrairement à celles qui l'ont précédée, Lina n'a pas de tragédie à affronter, à moins que l'inconsistance (et l'on suppose que le mot que l'auteur visait était "inconstance") des adultes qui l'entoure en soit une. Elle fait face avec un mélange de joie de vivre et de malice qu'elle étale avec la complaisance enjouée qu'on met à exposer sa collection de poupées. En sa compagnie, Lou Doillon trouve enfin la mesure de son personnage de mère délibérément indigne et tout à fait aimante (les deux partenaires masculins s'en tirent moins bien, particulièrement Samuel Benchetrit, dont on veut croire qu'il fait exprès d'être aussi fat).

La ressemblance de l'actrice avec sa mère, Jane Birkin, qui jadis illumina de ses larmes quelques films de Doillon est une autre raison d'aller voir Un enfant de toi, pas forcément bonne, mais séduisante pour les plus vieux des spectateurs. Cette ressemblance n'est pas constante, elle surgit par éclairs au gré des angles de la caméra, de la lumière et des expressions de l'actrice, suscitant des échos de séquences qu'on croyait oubliées. Ces moments rappellent qui est Jacques Doillon et font espérer que ce long moment d'incertitude n'est qu'un passage vers un regain d'intensité.