07 JANVIER 2020

Le Parisien - Pierre Vavasseur : Roubaix, une lumière

En 2002, la ville de Roubaix (Nord) a été le théâtre d'un meurtre commis par deux jeunes femmes sur une octogénaire. L'enquête et l'aveu des deux auteures avaient notamment nourri un film réalisé par le documentariste Mosco Boucault, « Roubaix, commissariat central, affaires courantes », réalisé pour France 3. C'est cette affaire qu'a choisi à son tour de placer au cœur de son nouveau long-métrage, atypique au regard de ses œuvres précédentes plus portées vers l'intime, le réalisateur Arnaud Desplechin. Il est né dans cette même ville qu'il s'est d'abord employé à fuir, avant d'éprouver le désir de porter sur elle un nouveau regard. Il en a tiré ce « Roubaix, une lumière », présenté en mai dernier en sélection officielle au Festival de Cannes. Il y met en scène, une nuit de Noël, le commissaire Daoud, qu'incarne Roschdy Zem, flanqué d'une jeune recrue, Louis (Antoine Reinartz), confronté au tout venant d'une nuit de garde - pas la meilleure partie du film, un peu trop surjouée par Philippe Duquesne dans la peau d'une fausse victime - avant de se charger de cette enquête. L'œuvre se mue dès lors en un interrogatoire patient de Claude (Léa Seydoux) et Marie (Sara Forestier), suivi d'une méthodique reconstitution des faits. Peu à peu, l'étau se resserre autour des deux femmes, de moins en moins capables de faire front ensemble. Tout ce pan du film est en revanche quasi hypnotisant, et le jeu déployé par le duo d'actrices aurait largement mérité d'être salué au palmarès du Festival de Cannes, tant il est l'exploration d'une détresse. Sara Forestier, en animal terrorisé, bousculant ses mots, empêtrée dans son fragile système de défense, est ainsi particulièrement poignante. C'est même peut-être d'abord elle, au fond, la « lumière » de ce film, par ce qu'elle exprime dans son désarroi de regrets assumés, mais aussi d'une détresse sociale qui nous broie les yeux.