31 MARS 2021

Le Prix de la paix - La bourse ou la vie

À travers la chronique d’une famille suisse en 1945, "Le prix de la paix" revient sur une période méconnue. S’appuyant sur de solides recherches, la scénariste Petra Volpe (réalisatrice des conquérantes, nommé aux Oscars en 2018) en dévoile toute la complexité, grâce à des personnages puissants et nuancés.

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Le prix de la paix lève le voile sur une période trouble. À quel point cette réalité est-elle connue en Suisse ?

Petra Volpe : L’attitude de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale a fait l’objet de beaucoup de recherches et de débats. En revanche, on ne parle quasiment pas de ce qui s’est passé après. Quand j’ai commencé à m’y intéresser, j’ai réalisé que je ne savais rien de cette “année zéro”... Or il s’agit d’un moment crucial, car l’Europe se retrouve face à la problématique de sa reconstruction. Comment les gens se sont-ils comportés au cours de cette période ? Cette question m’a passionnée, et j’ai été choquée de découvrir comment les rescapés des camps de concentration avaient été accueillis, et à quel point, pour le gouvernement et les industriels, la priorité n’avait pas changé : faire du profit.

 

Comment avez-vous mené vos recherches avant de les transformer en fiction ?

Petra Volpe : J’ai notamment bénéficié de toute la documentation établie par le rapport Bergier, commandé en 1996 par le gouvernement suisse, lorsque des Juifs spoliés pendant la guerre ont demandé à récupérer leurs biens. Cela a constitué ma source principale. J’ai alors été frappée par un parallèle effrayant : le fait que la Suisse se soit présentée comme une terre d’asile pour les survivants des camps, tout en accueillant, dans le secret, des criminels de guerre en fuite. L’hôtel de Zurich dont il est question dans la série est inspiré d’un hôtel réel où étaient hébergés, au même moment, des Juifs et des nazis. Au début, je voulais écrire un film pour le cinéma, mais face à l’ampleur du sujet, j’ai choisi d’orienter l’histoire vers le format de la série, ce qui a été très libérateur. Une équipe d’historiens m’a aidée à garder le juste équilibre entre la véracité historique et la nécessaire dramatisation des faits.

 

À travers les trois personnages principaux, la série dresse aussi le portrait d’une jeune génération. Pourquoi cet angle ?

Petra Volpe : Klara, Johann et Egon appartiennent à une génération émergente qui voit la fin de la guerre comme un nouveau départ. Cependant, malgré leur volonté d’avancer, ils vont comprendre qu’ils ne peuvent pas se défaire du passé. C’est une histoire universelle : celle du conflit entre le profit et le respect de la vie humaine, et nous n’en sommes toujours pas sortis. Il suffit de regarder comment sont considérés actuellement les réfugiés de guerre. Les jeunes protagonistes du Prix de la paix ne sont donc pas très différents de ceux d’aujourd’hui, confrontés aux mêmes dilemmes et aux mêmes défis face à l’avenir.

 

Propos recueillis par Jonathan Lennuyeux-Comnène