Les chemins du sacré - En quête spirituelle
Dans une odyssée documentaire aux splendides images, le philosophe, sociologue et écrivain Frédéric Lenoir chemine à la rencontre de femmes et d’hommes, épris, comme lui, de spiritualité. Entretien.

Qu'est-ce qui vous a donné envie de réaliser ce film autour des différentes voies ouvrant au sacré ?
Frédéric Lenoir : J’aimerais d'abord préciser ce que recouvre le mot “sacré”. Selon Émile Durkheim, le fondateur de la sociologie, il concerne uniquement les religions. Sa définition distingue le sacré du profane tout en établissant que le premier possède une valeur supérieure. Or, pour moi, il relève d'une conception anthropologique plus profonde, définie au début du XXe siècle par le théologien allemand Rudolf Otto et le psychologue américain William James. Tous deux considèrent que le sacré s'inscrit dans l'expérience première vécue par l'être humain face à la beauté du monde et au mystère de l'existence. Cette émotion devant un phénomène qui le dépasse est qualifiée de sacrée car elle ouvre à une forme de spiritualité. La notion de transcendance propre à la religion n'est pas nécessairement présente. Cette définition anthropologique, qui revêt un caractère plus universel, me permettait d'évoquer une quête spirituelle s'inscrivant dans un cadre à la fois laïc et religieux.
Des rencontres vous ont-elles particulièrement touché pendant votre tournage ?
Frédéric Lenoir : Celle en Éthiopie avec des pèlerins se rendant dans le mausolée de Cheikh Hussein, un saint soufi du XIIIe siècle, qui représente l'espoir d'une vie meilleure, s'est révélée très émouvante. Ces femmes, ces hommes et ces enfants, peu habitués à voir des Occidentaux, étaient d'une grande gentillesse, à l'image de notre témoin principale, Rabia. Une rencontre au Guatemala avec des femmes chamanes de culture maya, qui assurent des rituels pour la communauté, m'a aussi beaucoup marqué. J'ai assisté à une cérémonie au cours de laquelle le volcan, dont elles honorent les esprits, est entré en éruption avec une magnifique synchronicité. J'ai été touché par le discours profond de ces femmes, leur lien à la nature et la manière dont elles remercient en permanence la Terre-Mère.
Quelle évolution constatez-vous dans le rapport de l'humain au sacré ?
Frédéric Lenoir : Aujourd'hui, on assiste au retour à la nature de citadins déracinés qui ont perdu un lien vital avec elle. Ils tentent de le retrouver en empruntant différents chemins, comme le documentaire le montre avec l'apnéiste Guillaume Néry en communion avec la mer ou Ernst Zürcher, un ingénieur forestier suisse qui évoque la valeur spirituelle des arbres. Au fond, nous revenons à ce qu'il y a de plus archaïque dans l'histoire de l'humanité : le rapport à la nature et la recherche d'une spiritualité qui s'expérimente à travers elle.
Propos recueillis par Laure Naimski