03 MAI 2018

Les Inrockuptibles - Benoit Riviere: L'illusion comique

" ... Pour la réalisation de ce film, la Comédie-Française avait fixé des règles : ne se servir que des mots de l’auteur, confier les rôles aux comédiens qui les avaient déjà interprétés lors des représentations théâtrales, tourner à l’extérieur du théâtre en douze jours. Mathieu Amalric a su trouver un incroyable espace de liberté à partir de ces exigences. En transposant la pièce dans un cadre contemporain, l’acteur-réalisateur a fait d’Alcandre le concierge d’un hôtel, où il introduit Pridamant pour lui faire voir la vie de Clindor grâce à des enregistrements vidéos. Cette idée constitue la première réussite de l’adaptation d’Amalric ; le jeu de mise en abyme est conservé et ce qui était du théâtre dans le théâtre devient de l’image dans l’image. Le spectateur rentre ainsi au cœur du dispositif, et ce, dès la scène d’ouverture : Alcandre se réveille. Il s’assoit sur son lit, se racle la gorge, fait quelques essais de voix. Il prononce, les yeux dans le vague, une première réplique, tirée de la dernière scène de la pièce : "N’en croyez que vos yeux". Puis il regarde la caméra –nous regarde– et répète le même vers une nouvelle fois. Le ton est donné : nous serons à la fois mis à distance, conscients de n’être que des spectateurs, et pleinement dans l’action, croyant à la fiction que l’on regarde. Les dialogues en vers, tout autant déstabilisants que naturels, renforcent cette impression contradictoire. Explorant une troisième voie entre l’"artificiel théâtral" et le "naturel cinématographique", les comédiens (Loïc Corbery, Denis Podalydès…) excellent..."

" ... Pour la réalisation de ce film, la Comédie-Française avait fixé des règles : ne se servir que des mots de l’auteur, confier les rôles aux comédiens qui les avaient déjà interprétés lors des représentations théâtrales, tourner à l’extérieur du théâtre en douze jours.

Mathieu Amalric a su trouver un incroyable espace de liberté à partir de ces exigences. En transposant la pièce dans un cadre contemporain, l’acteur-réalisateur a fait d’Alcandre le concierge d’un hôtel, où il introduit Pridamant pour lui faire voir la vie de Clindor grâce à des enregistrements vidéos.

Cette idée constitue la première réussite de l’adaptation d’Amalric ; le jeu de mise en abyme est conservé et ce qui était du théâtre dans le théâtre devient de l’image dans l’image.

Le spectateur rentre ainsi au cœur du dispositif, et ce, dès la scène d’ouverture : Alcandre se réveille. Il s’assoit sur son lit, se racle la gorge, fait quelques essais de voix. Il prononce, les yeux dans le vague, une première réplique, tirée de la dernière scène de la pièce : "N’en croyez que vos yeux". Puis il regarde la caméra –nous regarde– et répète le même vers une nouvelle fois.

Le ton est donné : nous serons à la fois mis à distance, conscients de n’être que des spectateurs, et pleinement dans l’action, croyant à la fiction que l’on regarde.

Les dialogues en vers, tout autant déstabilisants que naturels, renforcent cette impression contradictoire. Explorant une troisième voie entre l’"artificiel théâtral" et le "naturel cinématographique", les comédiens (Loïc Corbery, Denis Podalydès…) excellent..."