03 JUIN 2017

Les Inrockuptibles - Serge Kaganski: Tirez la langue, Mademoiselle

"Dès le titre, une tonalité quelque peu désuète, légèrement étrange : vouvoiement, mots en voie de disparition (mademoiselle), injonction à tiroirs signifiants… Tirer la langue, c’est ce qu’on fait chez le médecin, ou quand on est fatigué. C’est aussi la modalité ancienne du bras (ou doigt) d’honneur. Avec ce film, mademoiselle Ropert (déjà auteur de La Famille Wolberg en 2009) entendait peut‑être tirer la langue à un certain cinéma‑produit, un cinéma du pitch et de l’effet qui a toujours quelque chose à vendre au spectateur‑consommateur. Axelle Ropert n’a rien à vendre, elle entend juste solliciter nos affects les plus enfouis en racontant une histoire avec douceur, précision, humilité (contraire de frime, non d’ambition). Et réussit cette noble entreprise. La maman dont les frères tombent amoureux, c’est Louise Bourgoin, très émouvante, qui trouve là son meilleur rôle. Quand elle va travailler dans un bar de nuit au son de chansons mélancoliques, c’est tout un imaginaire de vieux mélo hollywoodien qui affleure, avec des images de Sternberg en filigrane. Dans une époque propice à l’accélération, au tintamarre et à la surenchère spectaculaire, le style patient, murmuré, ténu d’Axelle Ropert pourrait en dérouter certains. Pour notre part, nous avons été envoûtés par ce film gracieux, qui avance à pas feutrés mais sûrs."

"Dès le titre, une tonalité quelque peu désuète, légèrement étrange : vouvoiement, mots en voie de disparition (mademoiselle), injonction à tiroirs signifiants… Tirer la langue, c’est ce qu’on fait chez le médecin, ou quand on est fatigué. C’est aussi la modalité ancienne du bras (ou doigt) d’honneur. Avec ce film, mademoiselle Ropert (déjà auteur de La Famille Wolberg en 2009) entendait peut‑être tirer la langue à un certain cinéma‑produit, un cinéma du pitch et de l’effet qui a toujours quelque chose à vendre au spectateur‑consommateur. Axelle Ropert n’a rien à vendre, elle entend juste solliciter nos affects les plus enfouis en racontant une histoire avec douceur, précision, humilité (contraire de frime, non d’ambition). Et réussit cette noble entreprise. La maman dont les frères tombent amoureux, c’est Louise Bourgoin, très émouvante, qui trouve là son meilleur rôle. Quand elle va travailler dans un bar de nuit au son de chansons mélancoliques, c’est tout un imaginaire de vieux mélo hollywoodien qui affleure, avec des images de Sternberg en filigrane. Dans une époque propice à l’accélération, au tintamarre et à la surenchère spectaculaire, le style patient, murmuré, ténu d’Axelle Ropert pourrait en dérouter certains. Pour notre part, nous avons été envoûtés par ce film gracieux, qui avance à pas feutrés mais sûrs."