23 JANVIER 2018

Libération - Basile Karlinsky: La Loi du collège

" Mariana Otero (...) n'a pas lésiné à l'ouvrage. Tout au long de l’année scolaire 1992-1993 elle a filmé chaque jour la vie des élèves et des profs du collège Garcia-Lorca dans le quartier des Francs-Moisins à Saint-Denis. Ce temps était nécessaire pour que chaque événement retenu au montage s'insère à sa juste place dans la trame d’un an de vie du collège; pour que chaque élève et chaque prof deviennent de véritables personnages d'un récit qui les dévoile dans vingt situations différentes dont l'ensemble donne la radiographie de ce collège de banlieue à problèmes. C'est le lieu où deux lois s'affrontent. Celle, sage, écrite et citoyenne que le collège s'efforce de surimposer à la loi orale, sauvage, de la cité des Francs-Moisins, qui puise ses modèles chez les Rambo et les petits coqs teigneux de série B. Chaque classe en compte quelques-uns, et les classes-dépotoirs, dites-technologiques, une demi-douzaine. Des leaders qui imposent au reste de la classe la loi de la cité et l'opposent au prof. Face à cette loi, ces saints laïques d'enseignants font la part du jeu : ils tolèrent le désordre, le bruit, l’impertinence, voire les insultes et les menaces (...) Le film montre les luttes vaines où les enseignants s'épuisent en grèves, démarches, ou supplications auprès de l'inspection d'académie pour avoir trois pions et deux profs de plus, sans lesquels leur collège ne serait plus un établissement d'enseignement mais plutôt une garderie à seule fin de préserver les enfants de l'école de la rue. Et, pourtant, ce collège tourne. C'est sans doute Bernard Douattis, le (remarquable) principal qui réussit à maintenir le collège la tête hors de l'eau. Il sait désarmer efficacement la violence lorsqu'elle monte trop haut. Un rayon de soleil dans ce sombre tableau. Le film montre les effets d'une discipline qui est quand même capable de remiser au vestiaire les couteaux de la guérilla : la musique. Elle apporte aussi la preuve, qu'à condition d’abandonner la pédagogie issue de la France de Jules Ferry, une nouvelle approche de l’enseignement pourrait être trouvée pour les nouveaux collégiens des banlieues dures."

" Mariana Otero (...) n'a pas lésiné à l'ouvrage. Tout au long de l’année scolaire 1992-1993 elle a filmé chaque jour la vie des élèves et des profs du collège Garcia-Lorca dans le quartier des Francs-Moisins à Saint-Denis. Ce temps était nécessaire pour que chaque événement retenu au montage s'insère à sa juste place dans la trame d’un an de vie du collège; pour que chaque élève et chaque prof deviennent de véritables personnages d'un récit qui les dévoile dans vingt situations différentes dont l'ensemble donne la radiographie de ce collège de banlieue à problèmes.

C'est le lieu où deux lois s'affrontent. Celle, sage, écrite et citoyenne que le collège s'efforce de surimposer à la loi orale, sauvage, de la cité des Francs-Moisins, qui puise ses modèles chez les Rambo et les petits coqs teigneux de série B. Chaque classe en compte quelques-uns, et les classes-dépotoirs, dites-technologiques, une demi-douzaine. Des leaders qui imposent au reste de la classe la loi de la cité et l'opposent au prof.

Face à cette loi, ces saints laïques d'enseignants font la part du jeu : ils tolèrent le désordre, le bruit, l’impertinence, voire les insultes et les menaces (...)

Le film montre les luttes vaines où les enseignants s'épuisent en grèves, démarches, ou supplications auprès de l'inspection d'académie pour avoir trois pions et deux profs de plus, sans lesquels leur collège ne serait plus un établissement d'enseignement mais plutôt une garderie à seule fin de préserver les enfants de l'école de la rue. Et, pourtant, ce collège tourne. C'est sans doute Bernard Douattis, le (remarquable) principal qui réussit à maintenir le collège la tête hors de l'eau. Il sait désarmer efficacement la violence lorsqu'elle monte trop haut.

Un rayon de soleil dans ce sombre tableau. Le film montre les effets d'une discipline qui est quand même capable de remiser au vestiaire les couteaux de la guérilla : la musique. Elle apporte aussi la preuve, qu'à condition d’abandonner la pédagogie issue de la France de Jules Ferry, une nouvelle approche de l’enseignement pourrait être trouvée pour les nouveaux collégiens des banlieues dures."