06 FÉVRIER 2018

Libération - Elisabeth Franck-Dumas: Un beau soleil intérieur

" La rumeur qui portait le film depuis sa présentation à Cannes - performance monstre de Binoche, scénario coécrit par la réalisatrice Claire Denis et l’écrivaine Christine Angot - avait de quoi effrayer. La légèreté du résultat n’a d’égal que le tranchant des dialogues et des situations, la volupté se mêlant au désastre, et la tendresse à la satire sociale la plus crue. Y brille, plutôt qu’un beau soleil intérieur, l’éclatante franchise d’une héroïne osant penser tout haut, avec un désarmant laisser-aller, à la puissance de qui les hommes viennent se chauffer avant de s’enfuir une fois ses failles atteintes. Les situations, nous apprend le dossier de presse, sont tirées d’expériences vécues par les deux auteures du scénario, à quoi tient sans doute la finesse des marqueurs sociologiques (mocassins en daim bleu roi du banquier) et l’exactitude de la satire, les répliques étant un feu d’artifice dont un seul mot («poiscaille», «open», «le jour après jour») marque à jamais cruellement son locuteur. Le déplacement de la jouissance se trouve pile à cet endroit-là, de jeu et de texte, qui vient transfigurer les temps gluants de la drague et du détachement. Plaisir du texte : la lointaine archéologie du projet le fait remonter aux Fragments d’un discours amoureux, mais on y voit des échos à un autre ouvrage de Roland Barthes, dont une citation pourrait s’appliquer au film tout entier : «Si je lis avec plaisir cette phrase, cette histoire ou ce mot, c’est qu’ils ont été écrits dans le plaisir.» "

" La rumeur qui portait le film depuis sa présentation à Cannes - performance monstre de Binoche, scénario coécrit par la réalisatrice Claire Denis et l’écrivaine Christine Angot - avait de quoi effrayer. La légèreté du résultat n’a d’égal que le tranchant des dialogues et des situations, la volupté se mêlant au désastre, et la tendresse à la satire sociale la plus crue. Y brille, plutôt qu’un beau soleil intérieur, l’éclatante franchise d’une héroïne osant penser tout haut, avec un désarmant laisser-aller, à la puissance de qui les hommes viennent se chauffer avant de s’enfuir une fois ses failles atteintes. Les situations, nous apprend le dossier de presse, sont tirées d’expériences vécues par les deux auteures du scénario, à quoi tient sans doute la finesse des marqueurs sociologiques (mocassins en daim bleu roi du banquier) et l’exactitude de la satire, les répliques étant un feu d’artifice dont un seul mot («poiscaille», «open», «le jour après jour») marque à jamais cruellement son locuteur. Le déplacement de la jouissance se trouve pile à cet endroit-là, de jeu et de texte, qui vient transfigurer les temps gluants de la drague et du détachement. Plaisir du texte : la lointaine archéologie du projet le fait remonter aux Fragments d’un discours amoureux, mais on y voit des échos à un autre ouvrage de Roland Barthes, dont une citation pourrait s’appliquer au film tout entier : «Si je lis avec plaisir cette phrase, cette histoire ou ce mot, c’est qu’ils ont été écrits dans le plaisir.» "