07 MARS 2018

Libération - Marcos Uzal: L'Assemblée

" D’abord présente en tant que manifestante, la cinéaste Mariana Otero décide vite de prendre sa caméra et de faire son métier : s’immerger dans l’événement pour le documenter. Ni journaliste ni militante, elle se situe à une distance humble, soucieuse de rendre compte de ce qui pourrait se jouer d’important sans tomber dans l’idéalisation ; bienveillante mais ne cachant pas certaines impasses. L’intelligence du film est de ne pas tenter de faire en 1 h 30 l’impossible synthèse de ce que fut Nuit debout (on n’y voit d’ailleurs pratiquement pas la nuit) mais de se centrer sur sa part la plus expérimentale et réflexive, représentée par la «commission démocratie» dont l’objectif est de repenser l’exercice démocratique en inventant une véritable démocratie directe et participative. Ainsi, dans ce que montre le film, ce sont moins les idées elles-mêmes qui importent que la recherche d’une nouvelle façon de les exprimer, de les faire circuler en partageant la parole le plus librement et équitablement possible. Au-delà du tâtonnement parfois naïf de la démarche (notamment lors de l’établissement de règles et d’un code gestuel au sein de «l’atelier modération»), on y ressent surtout l’aspiration profonde du mouvement : un désir vital de parler et d’écouter, contre le galvaudage des mots et l’instrumentalisation des discours. Cela ne va pas sans une certaine confusion que le film ne cherche pas à gommer, car s’y révèle son sujet même : la pensée politique au travail. «Les gens qui sont ici ne sont pas un public», dit quelqu’un à un moment, soulignant que toute présence dans cette agora devrait être active et combien toute écoute est une parole en puissance. Le film tente lui-même de ne pas faire de ses spectateurs un simple public contemplant un événement passé et nous met sans cesse face à un questionnement, une recherche, une insatisfaction qui ne demandent qu’à être complétés, prolongés, remis en cause. Par sa modestie et son inachèvement, l’Assemblée est donc une manière de perpétuer des aspirations sans cesse ravivées par l’actualité (depuis Nuit debout, la loi travail n’a pas seulement été adoptée mais également durcie). Un film témoin, dans les deux sens du mot : qui observe et qui relaie."

" D’abord présente en tant que manifestante, la cinéaste Mariana Otero décide vite de prendre sa caméra et de faire son métier : s’immerger dans l’événement pour le documenter. Ni journaliste ni militante, elle se situe à une distance humble, soucieuse de rendre compte de ce qui pourrait se jouer d’important sans tomber dans l’idéalisation ; bienveillante mais ne cachant pas certaines impasses.

L’intelligence du film est de ne pas tenter de faire en 1 h 30 l’impossible synthèse de ce que fut Nuit debout (on n’y voit d’ailleurs pratiquement pas la nuit) mais de se centrer sur sa part la plus expérimentale et réflexive, représentée par la «commission démocratie» dont l’objectif est de repenser l’exercice démocratique en inventant une véritable démocratie directe et participative. Ainsi, dans ce que montre le film, ce sont moins les idées elles-mêmes qui importent que la recherche d’une nouvelle façon de les exprimer, de les faire circuler en partageant la parole le plus librement et équitablement possible.

Au-delà du tâtonnement parfois naïf de la démarche (notamment lors de l’établissement de règles et d’un code gestuel au sein de «l’atelier modération»), on y ressent surtout l’aspiration profonde du mouvement : un désir vital de parler et d’écouter, contre le galvaudage des mots et l’instrumentalisation des discours. Cela ne va pas sans une certaine confusion que le film ne cherche pas à gommer, car s’y révèle son sujet même : la pensée politique au travail. «Les gens qui sont ici ne sont pas un public», dit quelqu’un à un moment, soulignant que toute présence dans cette agora devrait être active et combien toute écoute est une parole en puissance. Le film tente lui-même de ne pas faire de ses spectateurs un simple public contemplant un événement passé et nous met sans cesse face à un questionnement, une recherche, une insatisfaction qui ne demandent qu’à être complétés, prolongés, remis en cause. Par sa modestie et son inachèvement, l’Assemblée est donc une manière de perpétuer des aspirations sans cesse ravivées par l’actualité (depuis Nuit debout, la loi travail n’a pas seulement été adoptée mais également durcie). Un film témoin, dans les deux sens du mot : qui observe et qui relaie."