03 JUIN 2017

Libération - Olivier Séguret: Arrête ou je continue

"Fillières trouve le juste équilibre pour nous faire toucher d’emblée l’identité profonde de ses personnages, à la fois vague dans le détail sociologique, mais suffisamment précise pour donner une idée claire de leur profil, que la paresse populaire qualifierait de bobo. (...) Mais le pinceau de Fillières nous peint à l’image des êtres infiniment plus nuancés. (...) Par où Sophie Fillières échappe-t-elle, alors, à l’écosystème si délétère du jeune cinéma d’auteur français, dont elle semble endosser, comme par ruse, tous les codes ? Comment son film s’échappe-t-il de la banalité dont il a fait son environnement ? L’explication la plus facile est aussi la plus vraie, la plus sûre : par ses acteurs. Par le jeu de ses acteurs et par le jeu qu’ils mettent entre eux. Entre les mains de la cinéaste, les corps et âmes d’Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric deviennent des instruments de musique d’une minutie fascinante. Jusque dans les couacs du couple qu’ils incarnent, leur duo d’acteurs si justement complices et désunis, produit une harmonie supérieure dont on ne voit pas d’exemple récent. L’évidente radicalité portée par Arrête ou je continue peut aussi donner des idées : on est tenté d’imaginer un film qui aurait lui aussi continué, en se concentrant entièrement sur ses deux principaux rôles. C’est évidemment injuste pour les autres acteurs, notamment Anne Brochet et Joséphine de La Baume, qui animent une poignée de scènes et n’ont rien à se reprocher. Mais il y a à l’œuvre dans ce film une inclination si évidente vers un double absolu du cinéma et de l’humain, une double focalisation sur ses personnages si inspirée, si bien étayée, qu’on accueillerait volontiers sa version hardcore, sa variante extrême. Sophie Fillières a bien sûr eu raison de s’en tenir à une forme subversive de sagesse : la valeur expérimentale de son film n’est jamais évacuée, elle semble là, tapie sous la façade, engrammée dans la pellicule ou les pixels, à portée de notre volonté. Ici aussi, c’est à nous qu’il revient d’arrêter, ou de continuer."

"Fillières trouve le juste équilibre pour nous faire toucher d’emblée l’identité profonde de ses personnages, à la fois vague dans le détail sociologique, mais suffisamment précise pour donner une idée claire de leur profil, que la paresse populaire qualifierait de bobo. (...) Mais le pinceau de Fillières nous peint à l’image des êtres infiniment plus nuancés. (...)

Par où Sophie Fillières échappe-t-elle, alors, à l’écosystème si délétère du jeune cinéma d’auteur français, dont elle semble endosser, comme par ruse, tous les codes ? Comment son film s’échappe-t-il de la banalité dont il a fait son environnement ? L’explication la plus facile est aussi la plus vraie, la plus sûre : par ses acteurs. Par le jeu de ses acteurs et par le jeu qu’ils mettent entre eux. Entre les mains de la cinéaste, les corps et âmes d’Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric deviennent des instruments de musique d’une minutie fascinante. Jusque dans les couacs du couple qu’ils incarnent, leur duo d’acteurs si justement complices et désunis, produit une harmonie supérieure dont on ne voit pas d’exemple récent.

L’évidente radicalité portée par Arrête ou je continue peut aussi donner des idées : on est tenté d’imaginer un film qui aurait lui aussi continué, en se concentrant entièrement sur ses deux principaux rôles. C’est évidemment injuste pour les autres acteurs, notamment Anne Brochet et Joséphine de La Baume, qui animent une poignée de scènes et n’ont rien à se reprocher.

Mais il y a à l’œuvre dans ce film une inclination si évidente vers un double absolu du cinéma et de l’humain, une double focalisation sur ses personnages si inspirée, si bien étayée, qu’on accueillerait volontiers sa version hardcore, sa variante extrême. Sophie Fillières a bien sûr eu raison de s’en tenir à une forme subversive de sagesse : la valeur expérimentale de son film n’est jamais évacuée, elle semble là, tapie sous la façade, engrammée dans la pellicule ou les pixels, à portée de notre volonté. Ici aussi, c’est à nous qu’il revient d’arrêter, ou de continuer."