28 FÉVRIER 2011

Lorsque les écrans s'éteignent...

" Montrer sa vie à qui veut la voir, sur Internet ou à la télévision, à qui clique par ennui ou par hasard. C’est de cette idée qu’est né le film..." raconte la réalisatrice-vidéaste qui montre, comment se protéger de la réalité ne la fait pas pour autant disparaître...

Montrer sa vie à qui veut la voir, sur Internet ou à la télévision, à qui clique par ennui ou par hasard. C’est de cette idée qu’est né le film. Du besoin et des moyens de se montrer et de se regarder, au quotidien, dans l’intimité. Il est devenu l’expression du désir de vivre des personnages, de combler leur manque, d’organiser leur solitude et de confirmer leur existence. Ils construisent un monde au-dessus du monde, où l’on peut retrouver l’Eternité, bien avant la mort. Avec des images à la place de Dieu. Ici chacun a la volonté de rendre la vie plus belle, de transformer la réalité en quelque chose de mieux, consciemment ou non. Chacun est ou se rend sujet d’une illusion, pour réussir à vivre. "C’est fou ce sentiment de liberté" : dit l’un des personnages lors d’une promenade en barque sur le bras du fleuve qui passe sous la nationale. Pas de hors-bord filant sur l’infini. Le bonheur est là et il n’y est pas. On le crée, on l’invente, en se construisant une vie, un système d’idées et de fonctionnement, en attrapant des sentiments de liberté où on peut… dans un monde d’images, aujourd’hui. C’est cette force de vie, la croyance, toute humaine, ou même l’aveuglement qui m’intéresse, le mouvement vital de celui qui veut redresser son existence, et ce qu’il peut alors entreprendre ou imaginer pour en jouir. Parallèlement à la lutte des adultes, organisée, et qui peut aller jusqu’à l’absurde, ou leur échapper aussi jusqu’à la folie, il y a le système de Nat, à la fois inconscient et brusque, ludique et sans fard. Nat court vers la vie, mais elle lui échappe et ne lui donne pas de réponse. Nat est toute jeune, et ce processus de survie au quotidien, elle le traverse les yeux grands ouverts. "Nous, on crèvera jamais." affirme-t-elle. Et pourtant si. En quelques jours, quelques nuits, les illusions se cassent, la vérité reprend le dessus, avec la réalité, les personnages sortent des écrans, sortent de chez eux, se retrouvent les uns face aux autres et, par là, face à eux-mêmes. Loin de ce qu’ils croyaient, de ce qu’ils voulaient, loin de leur rêve d’enfant, ou d’adulte. Alors c’est douloureux, mais tout au long du film, la joie et la tristesse sont mêlées, inextricablement, l’une sans l’autre perd de sa valeur, elles ont ensemble les couleurs du monde que je décris. Un monde qui a des failles, un monde en couleurs où les décors sont aussi des personnages ou des idées, une vision sensualiste pour la balade de Nat et d’Adrien comme elle touche tout ce qu’il ne peut plus voir que derrière une vitre ou un écran… L’histoire en réseau permet la mise en relation poétique des personnages et des événements et construit finalement à partir de plusieurs vies, un seul mouvement qui les comprend et les lie toutes.Delphine Kreuter