28 FÉVRIER 2011

Neuf mois de la vie d'un couple

Paternité et maternité sont au coeur du film de Bruno Bontzolakis. Le réalisateur observe le corps de ses personnages évoluer au rythme discordant de leurs sentiments.

Bruno Bontzolakis : Ma scénariste et moi avons remarqué qu'autour de nous, dans nos familles même, de jeunes adultes vivent encore chez leurs parents à l'approche de la trentaine. Certains y installent même leur amoureux et vont jusqu’à faire un bébé dans la chambre de leur enfance ! Tout cela sous le regard des parents, à la fois perplexes et rassurés d'avoir leur petit monde auprès d’eux. Nous nous sommes dit qu’il y avait là matière à écrire une histoire qui explorerait toutes sortes de relations humaines : sociales, familiales, filiales, amoureuses… Pourquoi avoir choisi d’installer ce jeune couple chez un père seul ? La paternité est au coeur du film. Delphine va être mère, elle porte l'enfant de Laurent mais elle aime un autre homme, David. Les deux hommes vont devoir réagir face à l'arrivée de l'enfant alors que ni l'un ni l'autre ne s'attendait à cet événement. Norbert, le père de Laurent, est lui aussi pris au dépourvu, et toute sa relation à son fils se retrouve bouleversée par cette grossesse. Alors qu'il est sur le point de refaire sa vie avec une autre femme, il apprend qu'il va être grand-père. Il est redevenu amant, et il ne peut plus supporter d'être le pilier d'une famille qui, de surcroît, s'agrandit. Ce père seul, qui a accepté beaucoup de choses pour le bonheur de son fils, veut redémarrer une nouvelle vie et nécessairement ses décisions fragilisent et bousculent le couple Laurent/Delphine. Il ne sait plus s'il est un bon père, il n'arrive plus à assumer ce rôle tel qu’il était posé. Il en est triste, il doute, mais le besoin de se projeter dans ses désirs d'homme est très fort. Pourquoi avez-vous choisi de faire évoluer Delphine et David dans le milieu de la natation, de la compétition ? C'est davantage le plaisir de nager ou de se surpasser avec son corps que la compétition qui m' intéresse. Presque tous les personnages du film ont une passion, Delphine et David nagent, Norbert danse, Laurent file à toute allure en moto, le vigile du supermarché chante de l'opéra. Le plaisir sensuel qu'ils éprouvent tous pour ces passions est déterminant pour leur équilibre, leur avenir. Et le regard des autres sur leurs corps en action lorsqu'ils évoluent dans ces différentes disciplines provoque l’admiration, le désir, voire l'amour.  Je voulais surtout que ce film soit sensuel et que cette sensualité vienne aussi des décors, de la nature. Le film se déroule sur neuf mois, il me fallait le passage des saisons, le grand soleil, la pluie et la neige.Avec le personnage de Delphine, vous donnez soudainement un point de vue libérateur sur l’image traditionnellement attachée aux femmes enceintes.Beaucoup de femmes deviennent plus indépendantes et plus mystérieuses quand elles sont enceintes, en tout cas pour nous les hommes. Elles peuvent nous paraître soudain étrangères, inaccessibles, nous donner l’impression qu’elles nous échappent. Elles deviennent mères, et ça peut faire peur. On parle souvent de la place des hommes dans la sexualité des futurs parents, comme si celle des femmes n’existait plus. Pour autant, une femme enceinte peut être une amante passionnée. C'est le cas de Delphine. Elle a envie des hommes, veut qu'on l'aime et qu'on la désire encore plus, tandis que Laurent est effrayé par la transformation de son corps. Il a aimé la Delphine de son adolescence mais n'éprouve plus de désir pour la Delphine future mère. Autour de cette grossesse, leur couple se détruit. Delphine et Laurent doivent devenir des adultes. Pour Delphine, c'est l'évidence, elle dégage plus de force en étant enceinte. Elle est tout l'inverse du cliché de la femme enceinte malade, impotente et plaintive. Elle s'extrait de sa petite vie tranquille et routinière, elle voit plus loin. Elle déstabilise Laurent qui a du mal à renoncer à une idée du bonheur passé. Il perd pied alors que Delphine veut que la vie la transporte."