02 DÉCEMBRE 2021

Nona et ses filles - Entretien avec Valérie Donzelli

Après des études d’architecture, Valérie Donzelli se consacre au cinéma, d’abord comme actrice, puis comme réalisatrice ("La Reine des Pommes", "La Guerre est déclarée", "Main dans la main", "Marguerite & Julien", "Notre Dame"). Entre fantaisie, humour et émotion, ses films portent un regard attachant et poétique sur le monde. Nona et ses filles est sa première série.

Media

Comment est née l’idée d’une grossesse énigmatique chez une femme de 70 ans ?

Valérie Donzelli : Je tenais à raconter une cohabitation entre une mère et ses filles. Il fallait une raison à leur réunion. Comment être crédible ? La maladie, c’est déprimant. Je gardais en tête le film de Jacques Demy, L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune, dans lequel Marcello Mastroianni se croit enceint. Je voulais pousser plus loin le politiquement incorrect et la comédie. Directrice d’un planning familial, Nona a dédié sa vie aux droits des femmes et se retrouve piégée dans une grossesse à la paternité fantôme. Je désirais montrer la maternité comme un superpouvoir mais aussi un “superpoison” à travers une série familiale flirtant avec le fantastique.

 

Nona et ses filles questionne aussi la fratrie au féminin, l’héritage et la filiation…

Valérie Donzelli : Grâce à mes trois soeurs, je connais la beauté de la sororité familiale où la complicité de l’enfance reste intacte. Chez Nona, les triplées redeviennent des gamines. Elles régressent pour mieux grandir. C’est une manière de «tuer» cette figure maternelle imposante. Femme au foyer BCBG, Manu s’est construite en opposition à sa mère tandis que Gaby, sexologue sans attaches, ne l’a jamais comprise. De son côté, George, la femme-enfant, lui voue une telle passion qu’elle ne parvient pas à quitter le nid. La condition fragile de Nona va permettre à chacune d’exister vraiment.

 

Vous avez réuni un casting franco-allemand ambitieux…

Valérie Donzelli : Figure féministe, engagée du cinéma, Miou-Miou (Nona) épouse à merveille son personnage. Virginie Ledoyen (Manu) excelle à contre-emploi. Clotilde Hesme (Gaby) oscille entre force et fragilité. Michel Vuillermoz (le professeur André Breton) ravit en amoureux transi et Antoine Reinartz (Antoine) en marginal. Côté allemand, Rüdiger Vogler (Truffe) dégage une drôlerie évidente et Barnaby Metschurat (Paou) une beauté mi-douce mi-virile. Pour ma part, jouer George m’amusait. C’était aussi une façon de diriger de l’intérieur et d’insuffler une complicité avec mes acteurs.

 

Comment avez-vous vécu cette expérience de réalisatrice de série ?

Valérie Donzelli : Ce format offre une folle liberté dans l’écriture des personnages, ma prédilection. Avec ma coautrice Clémence Madeleine-Perdrillat, nous voulions que le téléspectateur soit triste à l’idée de les quitter. Je voulais faire une feel good série. Le quasi huis clos autour de l’appartement de Nona, ventre de la série, accentue ce côté sitcom. Les jeux de lumière d’Irina Lubtchansky recréent l’ambiance chaleureuse du cocon familial.

 

La série mêle différentes tonalités. D’où vient cette folie douce ?

Valérie Donzelli : C’est mon ADN ! Dans un film, l’humour insuffle de la pudeur, la poésie, du décalage et de la beauté. La BO jazzy de Philippe Jakko et la séquence de comédie musicale du premier épisode participent à cette harmonie émotionnelle. Dans les années 1970, Nona a créé l’unique planning familial de la Goutte d’Or. Cela m’intéressait d’accentuer la dimension politique et imaginaire de la série en tournant dans ce quartier multiculturel, longuement étudié durant mes études d’architecture.

 

Retrouvez la série en cliquant ici.