19 JANVIER 2018

Politis - Christophe Kantcheff: À ciel ouvert

"La réalisatrice s’est immergée au Courtil, faisant corps avec sa caméra, devenant elle-même un personnage de son documentaire, filmant ces enfants au gré de leurs activités et de leur évolution. À ciel ouvert, documentaire avec des enfants atteints de troubles psychiques, est pourtant réjouissant. Non que Mariana Otero soit parvenue à édulcorer ou, au contraire, à magnifier ce qu’il est convenu d’appeler la folie. Mais, comme avec tous les sujets dont elle s’empare, elle a d’abord soigneusement choisi le cadre dans lequel elle allait pouvoir réaliser son film. D’où la « révélation » de cet endroit extraordinaire, le Courtil, situé à la frontière franco-belge, fort connu dans le milieu psy mais peu en dehors. Plus encore : ces enfants, si peu « normaux » qu’ils soient, tous attachants, se battant contre des jouissances vertigineuses et des puits sans fond, nous renvoient des questions essentielles. Ainsi, quand ils participent à l’atelier dénommé « semblant », se mettant en scène pour raconter une petite histoire qui opère comme un miroir de leur propre situation, ne nous rappellent-ils pas notre besoin fondamental de représentation de nous-mêmes ? Eux, dégagés de toute intention artistique, hors injonction sociale, affirment la nécessité de la mimêsis, donc, indirectement, de l’art. Rien que cela. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Si Mariana Otero a su filmer Evanne, Amina, Lena, Alyson et Jean-Hugues en voyant à travers eux ce qui nous regarde, c’est parce que son engagement de cinéaste est total. Elle ne capte pas des images de ces enfants pour les constituer en cas, en archétypes, ou pour établir un discours, aussi progressiste soit-il. Dans la relation établie avec eux, Mariana Otero engage ce que signifie pour elle le cinéma, ne cesse de remettre en cause son geste de filmer. Voici une cinéaste pour qui chaque mouvement de caméra est bel et bien, et résolument, une affaire de morale."

"La réalisatrice s’est immergée au Courtil, faisant corps avec sa caméra, devenant elle-même un personnage de son documentaire, filmant ces enfants au gré de leurs activités et de leur évolution. À ciel ouvert, documentaire avec des enfants atteints de troubles psychiques, est pourtant réjouissant. Non que Mariana Otero soit parvenue à édulcorer ou, au contraire, à magnifier ce qu’il est convenu d’appeler la folie. Mais, comme avec tous les sujets dont elle s’empare, elle a d’abord soigneusement choisi le cadre dans lequel elle allait pouvoir réaliser son film. D’où la « révélation » de cet endroit extraordinaire, le Courtil, situé à la frontière franco-belge, fort connu dans le milieu psy mais peu en dehors.

Plus encore : ces enfants, si peu « normaux » qu’ils soient, tous attachants, se battant contre des jouissances vertigineuses et des puits sans fond, nous renvoient des questions essentielles. Ainsi, quand ils participent à l’atelier dénommé « semblant », se mettant en scène pour raconter une petite histoire qui opère comme un miroir de leur propre situation, ne nous rappellent-ils pas notre besoin fondamental de représentation de nous-mêmes ? Eux, dégagés de toute intention artistique, hors injonction sociale, affirment la nécessité de la mimêsis, donc, indirectement, de l’art. Rien que cela. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Si Mariana Otero a su filmer Evanne, Amina, Lena, Alyson et Jean-Hugues en voyant à travers eux ce qui nous regarde, c’est parce que son engagement de cinéaste est total. Elle ne capte pas des images de ces enfants pour les constituer en cas, en archétypes, ou pour établir un discours, aussi progressiste soit-il. Dans la relation établie avec eux, Mariana Otero engage ce que signifie pour elle le cinéma, ne cesse de remettre en cause son geste de filmer. Voici une cinéaste pour qui chaque mouvement de caméra est bel et bien, et résolument, une affaire de morale."