03 JUIN 2017

Positif - Claire Vassé, Juillet/Août 1997, n°437/438: La Femme défendue

" On pouvait s’attendre au pire avec ce film qui revendique le dispositif très précis et contraignant de la caméra subjective : tout est vu du point de vue de François, père de famille de trente-neuf ans qui tombe amoureux de Muriel, vingt-deux ans. Et certains ont reproché à Philippe Harel de bâtir sa mise en scène sur un tel principe, artificiel et prétentieux, et que ne justifierait aucun contenu. Mais c’est oublier que le sujet du film est justement l’histoire d’une liaison passionnelle entre deux êtres, avec ce que cela suppose de cristallisation et d’obsession. Lorsque le film commence, la rencontre vient d’avoir lieu lors d’une soirée, et François raccompagne Muriel chez elle. L’entreprise de séduction a commencé et c’est à peine si l’on se rend compte du procédé de focalisation interne : tout naturellement, nous épousons le point de vue de l’homme et son désir de ne regarder qu’Elle, ce qui donne au film son caractère prenant, voire captivant, malgré l’anecdote somme toute très banale - preuve, s’il en fallait encore, que la revitalisation de schémas classiques passe en grande partie par le travail sur les formes. Nous ne voulons pas quitter Muriel des yeux, attentifs à ses moindres gestes, gênes et sourires. Les longs plans sur elle sont d’autant plus étonnants que Les Randonneurs nous avait montré un Philippe Harel assez peu confiant dans le cinéma, préférant tout baliser par de courtes scènes et l’usage du champ-contre-champ plutôt que risquer de laisser surgir des émotions imprévisibles de scènes un peu plus longues. Les règles que s’est fixées le réalisateur étaient donc particulièrement bienvenues, l’obligeant à se confronter plus directement aux êtres qu’il filme. Il est indéniable que La Femme défendue après un début littéralement passionnant, connaît une légère chute de tension, notamment après la premièn nuit d’amour - d’ailleurs éludée L’histoire s’émousse, retombe dans le quotidien, et le dispositif se fait plu lourd : le désir n’est plus assez grand pour justifier la focalisation sur le personnage de Muriel - et le regard de François a justement tendance à se laisser distraire par les événements extérieurs, aussi bien un couple qui se dispute qu’un homme qui reçoit une contravention. Mais cette baisse d’intensité n’est pas une faiblesse : Philippe Harel n’a pas choisi de nous raconter une histoire d’amour grandiose, ni de faire un gros plan sur des sentiments qui ne sont pas toujours à la hauteur, fidélité au dispositif ne relève pas de pose mais du courage."

" On pouvait s’attendre au pire avec ce film qui revendique le dispositif très précis et contraignant de la caméra subjective : tout est vu du point de vue de François, père de famille de trente-neuf ans qui tombe amoureux de Muriel, vingt-deux ans. Et certains ont reproché à Philippe Harel de bâtir sa mise en scène sur un tel principe, artificiel et prétentieux, et que ne justifierait aucun contenu. Mais c’est oublier que le sujet du film est justement l’histoire d’une liaison passionnelle entre deux êtres, avec ce que cela suppose de cristallisation et d’obsession. Lorsque le film commence, la rencontre vient d’avoir lieu lors d’une soirée, et François raccompagne Muriel chez elle. L’entreprise de séduction a commencé et c’est à peine si l’on se rend compte du procédé de focalisation interne : tout naturellement, nous épousons le point de vue de l’homme et son désir de ne regarder qu’Elle, ce qui donne au film son caractère prenant, voire captivant, malgré l’anecdote somme toute très banale - preuve, s’il en fallait encore, que la revitalisation de schémas classiques passe en grande partie par le travail sur les formes.

Nous ne voulons pas quitter Muriel des yeux, attentifs à ses moindres gestes, gênes et sourires. Les longs plans sur elle sont d’autant plus étonnants que Les Randonneurs nous avait montré un Philippe Harel assez peu confiant dans le cinéma, préférant tout baliser par de courtes scènes et l’usage du champ-contre-champ plutôt que risquer de laisser surgir des émotions imprévisibles de scènes un peu plus longues. Les règles que s’est fixées le réalisateur étaient donc particulièrement bienvenues, l’obligeant à se confronter plus directement aux êtres qu’il filme. Il est indéniable que La Femme défendue après un début littéralement passionnant, connaît une légère chute de tension, notamment après la premièn nuit d’amour - d’ailleurs éludée L’histoire s’émousse, retombe dans le quotidien, et le dispositif se fait plu lourd : le désir n’est plus assez grand pour justifier la focalisation sur le personnage de Muriel - et le regard de François a justement tendance à se laisser distraire par les événements extérieurs, aussi bien un couple qui se dispute qu’un homme qui reçoit une contravention. Mais cette baisse d’intensité n’est pas une faiblesse : Philippe Harel n’a pas choisi de nous raconter une histoire d’amour grandiose, ni de faire un gros plan sur des sentiments qui ne sont pas toujours à la hauteur, fidélité au dispositif ne relève pas de pose mais du courage."