28 FÉVRIER 2011

Ragazzi de Marseille

Etudiant déçu par la politique, Robert Guédiguian se lance, en 1980, dans l'aventure d'un premier film, "Dernier été", coréalisé avec un copain et tourné avec ses amis d'enfance. Une oeuvre en forme d'adieu à la jeunesse où plane l'ombre de Pasolini.

En 1980, Robert Guédiguian, co-écrit et co-réalise son premier film avec son ami Frank Le Wita, rencontré à la section du Parti Communiste du 12ème arrondissement de Paris. Le déclic s'est produit alors que René Féret, acteur, réalisateur et producteur dont il avait fait la connaissance grâce à Ariane Ascaride, lui avait demandé d'écrire avec lui le scénario de Fernand.«Moi aussi, je vais raconter une histoire !», s'était alors dit l'étudiant en droit et en sciences économiques, de plus en plus déçu par lapolitique. Il tourne à Marseille, chez lui, avec ses amis d’enfance, Gérard Meylan, Malek Hamzaoui, Jean-Pierre Moreno, Djamal Bouanane, et avec sa femme, Ariane Ascaride. Dernier été doit beaucoup aux œuvres cinématographiques et littéraires de Pier Paolo Pasolini, dont quelques vers des Cendres de Gramsci sont cités en exergue : «Mais moi, avec le cœur conscient de celui qui ne peut vivre que dans l’histoire, pourrais-je désormais œuvrer de passion pure, puisque je sais que notre histoire est finie ? »  Ces «ragazzi», glandeurs patentés que sont Bert et ses potes, le Muet, Mario et Banane, errent dans un monde qui n’existe déjà plus : à l’Estaque-Riaux, quartier Nord de Marseille, le travail commence doucement à manquer, les vieux ressassent l’amertume des accidents de travail, l’instinct communautaire n’est plus ce qu’il était, et l’avenir est incertain… «Ça fait dix ans qu’on fait la même chose. Tout change et nous on continue : il est mort, ce quartier et nous avec !» La tragédie annoncée dès les premières images n’empêche pas la fraîcheur, la désinvolture et l’humour. C’est une œuvre de jeunesse au sens le plus beau et le plus pur du terme parce que Guédiguian y dit adieu à l’adolescence de son personnage et à la sienne.