Sasa Gédéon : ""L'idiot n'est pas qu'un personnage, c'est une approche de la vie."
"Le Retour de l'Idiot" est le deuxième long-métrage de Sasa Gédéon. Né en 1970, diplômé de l’Académie du Film et des Arts de Prague, le réalisateur est aujourd'hui un des fers de lance du nouveau cinéma tchèque. Au moment de la sortie du film aux Etats-Unis, le très sélect "Variety" n'a-t-il pas inclus Sasa Gédéon dans sa liste des dix cinéastes à découvrir ?
Pourquoi adapter L’Idiot de Dostoïevski ? J’ai été attiré par le personnage central du livre et sa position sociale. Cet homme qui est vraiment mieux que les autres car il a l’air d’un idiot. La vérité profonde est cachée par ce paradoxe. L’idiot n’est pas qu’un personnage mais aussi une nouvelle approche de la vie et des relations humaines, plus sensible et inattendue.
D’une certaine façon le personnage de l’idiot symbolise une sensibilité que nous avons perdue à l’ouest ; quelle est votre opinion à ce sujet ?C’est possible. Pour moi, l'idiot est une sorte de pont, de mélange entre le christianisme et le bouddhisme. On ne sait même pas s’il est plus homme, femme ou enfant. Malgré toutes ces caractéristiques il est certain qu’il passe à côté de beaucoup de choses qui lui permettraient de mener une vie ordinaire.
De plus ne voulez-vous pas montrer qu’il y a aujourd’hui dans votre pays une perte d’identité culturelle qui a provoqué l’éclatement de la cellule familiale ? Je ne peux pas répondre objectivement à cette question. Je suis trop impliqué dans ma vie et mon histoire familiale. Tout ce qui est lié à la famille relève de l’inconscient. Cet inconscient qui est la source de ma créativité et de mes films. Je ne perçois pas la famille comme une cellule sociale mais plutôt comme le résultat de la capacité de chacun à créer ses valeurs familiales.
Les acteurs sont formidables. Où les avez -vous découverts ? Je ne regarde pas les acteurs comme des acteurs mais comme des êtres humains. Ce n’est que face à la caméra que vient la révélation, le miracle propre à l’acteur. Le film ne vit que si l’homme, l’acteur et le rôle sont intimement liés.
Laissez-vous aux comédiens une part d’improvisation ? L’essentiel de mon scénario est préparé précisément. Je laisse peu de place à l’improvisation. Quand j’écris un scénario je ressens, je visualise, j’entends tout grâce au film que je me projette mentalement.
Votre style nous rappelle les premiers films de Milos Forman. On pense plus particulièrement à L’As de pique ou à Au feu les pompiers.Je me sens très proche de Forman dans son souci d’authenticité et de vérité. Sa capacité à analyser les gens et leurs comportements.
Nous avons rarement l’opportunité en France de voir des films de votre pays. Quelle est la situation du cinéma en République Tchèque ? Y-a-t-il une nouvelle vague de cinéastes pour prendre la relève des Forman et Menzel ? Les années soixante sont finies et ne se répéteront pas (à mon grand regret). Nous n’avons pas vraiment de Nouvelle Vague, mais il y a des talents prometteurs dans tous les domaines. Il est certain que d’année en année, le cinéma tchèque s’enrichit grâce à de jeunes réalisateurs .
Quels réalisateurs admirez-vous ? Robert Bresson, Truffaut, Fellini, Bergman, Mike Leigh, Vinterberg... Certains noms restent, d’autres changent...
Plus généralement, quelles sont vos références en Littérature et en Peinture ? Flaubert, Dostoïevski, Tchekhov, les impressionnistes et post impressionnistes si proches du cinéma.
Quels sont vos projets ? Faire du cinéma en accord avec ma santé physique et... mentale.