Télérama - Jacques Morice: Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés
" Marqués par un livre de Christophe Dejours, Souffrance en France, qui analysait « la banalisation du mal dans le travail », Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil ont décidé d'agir avec leurs outils à eux. Ils ont installé leur caméra dans un cabinet médical pour filmer les consultations de personnes malades de leur travail et qui, un jour, ont craqué. Ce qu'ils disent fait froid dans le dos. Ce sont les victimes humiliées d'une guerre dévastatrice qui ne dit pas son nom, celle du néolibéralisme.C'est un grand soulagement que procure ce film d'écoute. Pas n'importe quelle écoute, celle-là est « risquée », comme le dira à un moment un praticien. Cela signifie qu'il faut un certain courage, aux patients comme aux médecins, pour affronter le mal en cours (...)Honneur, valeur, morale, autant de mots étrangers à la logique de la rentabilité à tous crins qui n'implique plus d'être entreprenant mais agressif, non plus consciencieux mais tueur. Sur les ravages du chacun pour soi, sur la paranoïa alimentée par des grilles d'évaluation, sur le consentement passif, le film est d'autant plus parlant qu'il interpelle et implique tout le monde (...) Le travail permet à chacun de se forger une identité, une dignité. C'est cette fonction même qui apparaît ici gravement dénaturée. Les vrais films politiques sont plus rares qu'on ne le dit, celui-là en est un."
" Marqués par un livre de Christophe Dejours, Souffrance en France, qui
analysait « la banalisation du mal dans le travail », Sophie Bruneau et
Marc-Antoine Roudil ont décidé d'agir avec leurs outils à eux. Ils ont
installé leur caméra dans un cabinet médical pour filmer les
consultations de personnes malades de leur travail et qui, un jour, ont
craqué. Ce qu'ils disent fait froid dans le dos. Ce sont les victimes
humiliées d'une guerre dévastatrice qui ne dit pas son nom, celle du
néolibéralisme.
C'est un grand soulagement que procure ce film
d'écoute. Pas n'importe quelle écoute, celle-là est « risquée », comme
le dira à un moment un praticien. Cela signifie qu'il faut un certain
courage, aux patients comme aux médecins, pour affronter le mal en
cours (...)
Honneur,
valeur, morale, autant de mots étrangers à la logique de la rentabilité
à tous crins qui n'implique plus d'être entreprenant mais agressif, non
plus consciencieux mais tueur. Sur les ravages du chacun pour soi, sur
la paranoïa alimentée par des grilles d'évaluation, sur le consentement
passif, le film est d'autant plus parlant qu'il interpelle et implique
tout le monde (...) Le travail permet à
chacun de se forger une identité, une dignité. C'est cette fonction
même qui apparaît ici gravement dénaturée. Les vrais films politiques
sont plus rares qu'on ne le dit, celui-là en est un."