07 MARS 2018

Télérama - Louis Guichard: L'Assemblée

" Mariana Otero aime, à l’évidence, ceux qu’elle filme. Elle se tient, politiquement, de leur côté. Mais la beauté du résultat tient à la saisie de l’immense bizarrerie de ces rassemblements quotidiens : rien n’allait de soi, tout était fragile. On sent l’émotion de ceux, si divers, qui s’improvisent orateurs, leur difficulté à se faire entendre — un atelier « mégaphone » se crée, dont la matière première est du carton… On mesure le casse-tête de l’organisation : durée des prises de parole, codes à l’usage du public, formation de commissions et d’intercommissions thématiques, arbitrages collectifs de toutes sortes… Le tout sous la pluie, la plupart du temps : « La météo est vraiment de droite », ironise une participante. Un fil conducteur inattendu s’impose donc, comme un préalable à la lutte idéologique (contre la loi El Khomri, alors en passe d’être votée au Parlement) : la forme à donner au mouvement. L’assemblée populaire est-elle souveraine ou pas ? Y vote-t-on ou non ? La foule est-elle constituée de spectateurs ou de débatteurs ? Ces discussions exaltées, qui semblent remonter à l’agora antique, en appellent aussitôt d’autres en réaction : « Nuit ­debout verse dans le culte de l’organi­sation », proteste un tel. « La forme, c’est politique, répond une autre. Allez préparer des actions ailleurs ! » Le film montre aussi l’essouf­flement, la fatigue, le défaut d’unité : « Assez de blabla, il nous faut une concorde ! » Mariana Otero constate la fin du rassemblement, mais comme celle d’un premier acte, laissant des envies de refaire le monde, à coups d’idées échangées. L’élan collectif qu’elle capte renvoie d’ailleurs à l’engouement suscité en ce moment par 120 Battements par minute, où la discussion politique tient une place cruciale. Et bien sûr, au climat d’effervescence, lui aussi imprévisible, de cette rentrée sociale."

" Mariana Otero aime, à l’évidence, ceux qu’elle filme. Elle se tient, politiquement, de leur côté. Mais la beauté du résultat tient à la saisie de l’immense bizarrerie de ces rassemblements quotidiens : rien n’allait de soi, tout était fragile. On sent l’émotion de ceux, si divers, qui s’improvisent orateurs, leur difficulté à se faire entendre — un atelier « mégaphone » se crée, dont la matière première est du carton… On mesure le casse-tête de l’organisation : durée des prises de parole, codes à l’usage du public, formation de commissions et d’intercommissions thématiques, arbitrages collectifs de toutes sortes… Le tout sous la pluie, la plupart du temps : « La météo est vraiment de droite », ironise une participante.

Un fil conducteur inattendu s’impose donc, comme un préalable à la lutte idéologique (contre la loi El Khomri, alors en passe d’être votée au Parlement) : la forme à donner au mouvement. L’assemblée populaire est-elle souveraine ou pas ? Y vote-t-on ou non ? La foule est-elle constituée de spectateurs ou de débatteurs ? Ces discussions exaltées, qui semblent remonter à l’agora antique, en appellent aussitôt d’autres en réaction : « Nuit ­debout verse dans le culte de l’organi­sation », proteste un tel. « La forme, c’est politique, répond une autre. Allez préparer des actions ailleurs ! »

Le film montre aussi l’essouf­flement, la fatigue, le défaut d’unité : « Assez de blabla, il nous faut une concorde ! » Mariana Otero constate la fin du rassemblement, mais comme celle d’un premier acte, laissant des envies de refaire le monde, à coups d’idées échangées. L’élan collectif qu’elle capte renvoie d’ailleurs à l’engouement suscité en ce moment par 120 Battements par minute, où la discussion politique tient une place cruciale. Et bien sûr, au climat d’effervescence, lui aussi imprévisible, de cette rentrée sociale."