22 JUIN 2020

Télérama - Pierre Murat: Chico & Rita

" Chico et Rita sont les héros animés d'un film chaleureux, à la fois euphorisant et mélancolique, qui part de La Havane, passe par un Paris postexistentialiste, où toutes les filles ressemblent à Juliette Gréco, pour aboutir à un New York bleu métallisé, où, à la poursuite de Rita, débarquent, un beau jour, Chico et Ramon, son soi-disant imprésario. Tous deux se veulent aussi enthousiastes que Gene Kelly se lançant à l'assaut du show-biz dans une scène célèbre de Chantons sous la pluie, mais ils ressembleraient plutôt aux migrants d'Elia Kazan dans America, America : de pauvres petites silhouettes glacées, réchauffées soudain par la musique échappée d'une cave où joue, au milieu de la nuit, pour ses fans, encore peu nombreux, le grand Charlie Parker... Visuellement, le film est inventif. Musicalement, c'est une petite merveille. Un hymne à la modernité et à la gaieté de la musique latino (même l'enterrement d'un percussionniste célèbre est transfiguré par une samba frénétique...). Un hymne au jazz, aussi : comme le héros intègre les plus grands orchestres de l'époque, Trueba et Mariscal ont cherché des musiciens - le trompettiste Michael Philip Mossman ou le saxophoniste Jimmy Heath - capables de recréer la vitesse acrobatique de Dizzy Gillespie, ou la sensualité ouatée de Ben Webster. Réussite totale. Quant à l'intrigue, elle rappelle les mélos hollywoodiens de jadis, ces histoires où les couples se quittent, se retrouvent et se quittent encore, victimes de leur orgueil, puis, lorsqu'ils s'acceptent enfin tels qu'ils sont, de la traîtrise inattendue d'un ami, ultime coup du sort. On n'est pas très loin de Vincente Minnelli, de Douglas Sirk et de George Cukor. Notamment avec cette scène grandiose où Rita, devenue reine de Broadway, puis star à Hollywood, en dépit de sa couleur de peau, brise net sa carrière en dénonçant le racisme soigneusement caché de tous les hypocrites venus l'acclamer. On songe aux chanteuses blacks de l'époque, Billie Holiday en tête, triomphant dans des palaces, lesquels, parce qu'elles étaient noires, refusaient de les loger..."

" Chico et Rita sont les héros animés d'un film chaleureux, à la fois euphorisant et mélancolique, qui part de La Havane, passe par un Paris postexistentialiste, où toutes les filles ressemblent à Juliette Gréco, pour aboutir à un New York bleu métallisé, où, à la poursuite de Rita, débarquent, un beau jour, Chico et Ramon, son soi-disant imprésario. Tous deux se veulent aussi enthousiastes que Gene Kelly se lançant à l'assaut du show-biz dans une scène célèbre de Chantons sous la pluie, mais ils ressembleraient plutôt aux migrants d'Elia Kazan dans America, America : de pauvres petites silhouettes glacées, réchauffées soudain par la musique échappée d'une cave où joue, au milieu de la nuit, pour ses fans, encore peu nombreux, le grand Charlie Parker...

Visuellement, le film est inventif. Musicalement, c'est une petite merveille.

Un hymne à la modernité et à la gaieté de la musique latino (même l'enterrement d'un percussionniste célèbre est transfiguré par une samba frénétique...). Un hymne au jazz, aussi : comme le héros intègre les plus grands orchestres de l'époque, Trueba et Mariscal ont cherché des musiciens - le trompettiste Michael Philip Mossman ou le saxophoniste Jimmy Heath - capables de recréer la vitesse acrobatique de Dizzy Gillespie, ou la sensualité ouatée de Ben Webster. Réussite totale.

Quant à l'intrigue, elle rappelle les mélos hollywoodiens de jadis, ces histoires où les couples se quittent, se retrouvent et se quittent encore, victimes de leur orgueil, puis, lorsqu'ils s'acceptent enfin tels qu'ils sont, de la traîtrise inattendue d'un ami, ultime coup du sort.

On n'est pas très loin de Vincente Minnelli, de Douglas Sirk et de George Cukor. Notamment avec cette scène grandiose où Rita, devenue reine de Broadway, puis star à Hollywood, en dépit de sa couleur de peau, brise net sa carrière en dénonçant le racisme soigneusement caché de tous les hypocrites venus l'acclamer. On songe aux chanteuses blacks de l'époque, Billie Holiday en tête, triomphant dans des palaces, lesquels, parce qu'elles étaient noires, refusaient de les loger..."