23 MARS 2020

Trouver sa voie - Philippe Lioret

Philippe Lioret ("Welcome") s’empare du roman de Tanguy Viel Paris-Brest pour le transposer à l’écran avec autant de liberté que de justesse, grâce, entre autres, à l’excellence des interprètes, d’Anthony Bajon à Catherine Arditi.

Media

Qu’est-ce qui vous a attiré dans le roman de Tanguy Viel ?

Philippe Lioret : Le cadre, la ville de Brest, et surtout les personnages, qui n’attendaient qu’à se développer sur un écran : la famille, la trahison, la repentance, tout cela résonnait intimement en moi. La famille est le lieu de toutes les dramaturgies.

 

Comment avez-vous conçu l’adaptation ?

Philippe Lioret : À chaque fois que j’ai adapté un roman (« Je vais bien, ne t’en fais pas », « Toutes nos envies », « Le fils de Jean »), j’ai pris des libertés avec le matériau de départ et je m’en suis principalement servi comme d’une source d’inspiration. Même s’il n’y a pas de règle en la matière, pour moi, reproduire un livre à l’identique n’a pas vraiment de sens. Dans Paris-Brest, j’ai gardé Brest et les personnages, mais j’ai changé leurs trajectoires en me servant du livre lui-même comme d’un nouveau personnage, comme d’un enjeu. Colin revient dans sa ville natale pour se confronter à sa famille en annonçant qu’il a écrit ce livre, qui va bientôt être publié et qui révèle les turpitudes de ses parents. Ambiance...

 

Le film parle aussi de la difficulté à se construire...

Philippe Lioret : Et à se lancer. En l’occurrence, pour Colin, à trouver sa voie. Le film nous révèle aussi qu’il a trahi et a été trahi. Alors, pour se reconstruire, il va le payer et le faire payer. Comme dans beaucoup de vos films, le récit crée une attente chez le spectateur autour d’un dévoilement progressif...Je crois que ce qu’on appelle la dramaturgie n’est rien d’autre que ça : que va-t-il se passer ? Et ai-je envie de le découvrir ? C’est tout le plaisir du cinéma et Paris-Brest s’y prêtait particulièrement. J’ai aimé aussi déconstruire le récit sur deux époques qui s’entremêlent. Il me semble que c’est une façon de plonger davantage le spectateur dans l’intimité des personnages.

 

Comment avez-vous composé ce casting ?

Colin, garçon puissant, est aussi un affectif dont les faiblesses affleurent. Anthony Bajon est apparu comme une évidence. Il a la force des grands, de ceux qui colorent les rôles avec leur personnalité sans que cela se voi e : il est là, il incarne, et d’emblée, on y croit. Comédienne tout aussi rare, Catherine Arditi s’épanouit au théâtre mais on la voit trop peu à l’écran. Sa finesse et son engagement m’ont fait beaucoup d’effet. Mettre en scène leur rencontre était forcément excitant. L’esprit de troupe s’est formé autour d’eux : Valérie Karsenti, en mère glaçante, Gilles Cohen, en père arriviste et combinard, Kévin Azaïs, formidable dans un rôle débridé, Daphné Patakia, Alexia Chardard, Charlotte Deniel... Je suis ressorti du film avec l’envie de recommencer vite quelque chose avec eux.

 

Propos recueillis par Jonathan Lennuyeux-Comnène