28 FÉVRIER 2011

"Une enfant qui découvre et affirme sa féminité..."

" J'ai choisi de mettre en scène une enfant avec son regard pur, sans a priori, sans préjugés, face à un monde qu'elle ne connaît pas, explique Tony Gatlif. Mais, dans mes films, on retrouve souvent l'idée d'un individu qui s'aventure dans un lieu, une ethnie ou une communauté qu'il ne connaît pas..."

Après Vengo, l'histoire d'une vendetta, vous entrez avec Swing dans l'univers tendre de l'enfance et des premiers émois amoureux.Tony Gatlif : J'ai choisi de mettre en scène un enfant, avec son regard pur, sans a priori, sans préjugés, face à un monde qu'il ne connaît pas. Mais, dans mes films, on retrouve souvent cette idée d'un individu qui s'aventure dans un lieu, une ethnie ou une communauté dont il ignore tout. Dans Latcho Drom, la caméra était une étrangère qui découvrait diverses tribus de gitans au travers d'un long voyage, de l'Inde jusqu'à l'Andalousie. Dans Gadjo Dilo, un « gadjo », un étranger en langue rom, débarquait dans un village de Roumanie où il tombait amoureux d'une tsigane...

Au départ, Swing est un garçon manqué, puis elle va découvrir et affirmer sa féminité.Au départ, Swing, voyant comment les femmes manouches vivent autour d'elle, préfère encore rester dans l'ambiguïté de l'enfance. C'est en rencontrant Max, le petit gadjo, qu'elle va effectivement découvrir et affirmer sa féminité.

Entre ces deux enfants, c'est la rencontre de deux mondes, de deux éducations, de deux rêves...C'est la culture de l'écrit et celle de l'oral. Max éprouve le besoin d'écrire ses souvenirs. Pour Swing, écrire, ça ne représente rien, elle ne sait pas lire. Chez les gitans, cette culture, cette transmission orale a été en partie anéantie avec les camps nazis.

Comment avez-vous trouvé les jeunes interprètes de Max et Swing ?J'avais fait passer une annonce dans un quotidien. Oscar Copp vit en Dordogne, il a vraiment la frimousse que j'imaginais pour Max. Lou Rech, qui joue Swing, a un côté «garçon» et cet air farouche... Les manouches du quartier du Neuhof la prenaient pour une des leurs, alors que c'est une petite parisienne ! J'ai trouvé qu'ils allaient bien ensemble ces deux-là. Je leur ai fait passer des tests, des improvisations, mais sans leur donner de textes précis. Pour moi, le plus important, dans un premier temps, c'est l'énergie, la gestuelle. Je leur ai demandé de se regarder dans les yeux. Les préadolescents n'osent pas, ils sont troublés, alors ils rient. J'aimais beaucoup la façon dont Oscar et Lou se regardaient dans les yeux. Mon choix s'est fait sur ce regard-là.

Vous avez déjà consacré quatre films aux gitans et à leur culture.J'essaye simplement de transmettre quelque chose qui est en train de disparaître. J'essaye d'apporter mon témoignage.

Comme on le voit dans le film, quand un gitan meurt, on brûle ses affaires, sa caravane.La relation à la mort est très forte et très ambigüe chez les gitans. En effet, dans le passé, quand un gitan mourait, on brûlait toutes ses affaires pour qu'il ne revienne pas. Il n'y avait plus aucune trace de sa vie, on ne citait jamais le nom d'un mort. Les gitans n'ont jamais eu de cimetière ni de tombe jusqu'à il y a une cinquantaine d'années. C'est une tradition ancestrale, certains puristes l'observent toujours, mais elle a tendance à disparaitre.

Dans une scène très émouvante, Miraldo montre à Max d'anciennes photos de sa famille, au temps des roulottes... Il sait qu'il ne reprendra plus jamais la route.Il a beau dire «Un jour je partirai. . . » il sait que ce jour-là, ce sera pour son dernier voyage...

Swing, la petite manouche, n'a jamais voyagé, alors que Max parcourt le monde en avion avec sa mère...... et que Swing et son peuple du voyage restent à quai dans des barres de HLM !