Coline Serreau

Réalisation - Scénario

Biographie

Née en 1947, à Paris, elle fut, dès son enfance, plongée dans le milieu artistique, entre sa mère Geneviève, écrivain de valeur, et son père Jean-Marie, metteur en scène de théâtre respecté...

Elle débute comme actrice, sur scène, puis à l'écran, en interprétant entre autres le rôle principal du film de Jean-Louis Bertuccelli, On s'est trompé d'histoire d'amour, dont elle est coscénariste. Ce n'est qu'en 1975 qu'elle tourne son premier long métrage, Mais qu'est-ce qu'elles veulent ? (le film ne sortira qu'en 1978), documentaire "concerné" sur les problèmes de la condition féminine au cœur de la décennie et les espoirs générés par l'épanouissement des mouvements créés par les femmes dans l'après-68. Les questions posées sur le rôle et l'importance de ces positions nouvelles, on les retrouvera dans les films de fiction qu'elle va réaliser ensuite, de Pourquoi pas ? (1977), essai réussi sur les potentialités offertes par les mutations du sentiment amoureux et l'agrément du couple à trois, à son documentaire sur les Grands-mères de l'Islam (1979).

Si Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ?, en 1982, n'est qu'une agréable comédie sur le petit milieu du cinéma publicitaire, elle obtient avec son film suivant un succès public inattendu, que viendra couronner le César du meilleur film 1986. Sans doute Trois hommes et un couffin était-il à la fois la rencontre d'un sujet et d'une époque, puisque les mésaventures de ces trois pères d'occasion (André Dussolier, Roland Giraud et Michel Boujenah) aux prises avec les contraintes du pouponnage séduisirent plusieurs millions de spectateurs – au point que Hollywood en fit presque immédiatement un remake (Trois hommes et un bébé, 1987), suivi d'une séquelle (Tels pères, telle fille, 1990). Et Coline Serreau avait tellement la nostalgie de ses personnages qu'elle leur fit vivre une suite en 2003, Dix-huit ans après, avec les mêmes acteurs face à l'enfant devenue adulte. Sous ses dehors de comédie enjouée et sympathique, Trois hommes et un couffin traitait quelques problèmes sérieux et annonçait "les nouveaux pères" – le film demeure comme un témoignage très révélateur sur un moment-charnière de l'évolution des comportements modernes.

Cette volonté d'inscrire ses films, sans pour autant choisir le discours didactique, dans une réalité sociale précise lui fait tourner Romuald et Juliette (1989), fable chaleureuse sur la découverte par un industriel des conditions d'existence d'une femme de ménage antillaise, chez qui il se réfugie pour échapper au fisc et dont il profite honteusement, avant de comprendre que la "vraie vie" et les "vraies valeurs" sont de son côté et de finir par l'épouser. La sincérité de l'auteur permettait au film d'éviter de verser dans la mélasse du conte de fées et cette mise en pratique de l'utopie sonnait d'une tonalité juste.

Une justesse pas toujours rencontrée dans la trilogie réalisée entre 1992 et 2001 – il ne s'agit pas réellement d'une trilogie, mais la présence, dans le rôle principal, de Vincent Lindon dans les trois titres amène à les considérer du même œil. Malgré son César du scénario, on peut trouver que La Crise est une comédie politique au simplisme trop grinçant pour convaincre et que La Belle Verte, sous son aspect de fable écologique dénonciatrice tous azimuts, ratait une bonne partie des objectifs qu'elle cherchait à atteindre, alourdie par ses ambiguïtés "New Age". En revanche, la dénonciation de la prostitution dans Chaos touchait fort sa cible, grâce à une interprétation sans failles de Rachida Brakni (César de l'espoir féminin 2002). Les bons sentiments ne débouchaient pas sur des questions philosophiques naïves et le dérangement causé par la violence montrée était propice à donner à réfléchir.

Sur un sujet délicat – le petit univers clos d'une bande de randonneurs marchant vers Compostelle, conduits par des motifs différents et porteurs de convictions religieuses diverses -, Coline Serreau est parvenue à éviter les pièges des clichés et de la caractérisation des personnages et a fait de Saint-Jacques… La Mecque (2005) une comédie populaire enlevée et sympathique. Déception devant l'accueil mitigé, manque d'inspiration ? Elle n'a depuis tourné que quelques courts métrages d'intervention militante (sur les violences conjugales, entre autres) et un passionnant documentaire, Solutions locales pour un désordre global, qui ne vise plus à dénoncer un état du monde sur lequel chacun est averti, mais à décrire les quelques réponses pratiques envisagées individuellement face au chaos mondial – en quelque sorte, les thèmes abordés par la fiction dans La Crise et dans La Belle Verte, confrontés au réel et aux solutions possibles. Toujours l'optimisme, et c'est tant mieux.

Lucien Logette