Michel Mardore

Réalisation - Scénario - Auteur de l'oeuvre originale

Biographie

Né à Bordeaux en 1935, disparu à Paris en 2009, il fut une grande plume du journalisme, signa quelques romans et s'essaya à la mise en scène...

Avant d'être un cinéaste, il fut avant tout un critique. Un critique brillant, styliste percutant, cultivant une pensée échappant aux catégories toutes faites du prêt-à-penser. Esprit libre, amateur de romans policiers et de science-fiction à une époque où ni les uns ni les autres n'étaient à la mode (il écrivait dans les revues Mystère-Magazine et Fiction dès ses 19 ans), il a cultivé, durant toute sa carrière de journaliste, une particularité rare, celle de collaborer à toutes les grandes revues cinématographiques, même les plus esthétiquement éloignées les uns des autres, comme Positif, Cinéma, ou les Cahiers du cinéma, et de tenir la chronique cinéma dans des périodiques allant de la gauche (Les Lettres françaises, Le Nouvel Observateur) à la droite (Aux écoutes, Candide), en passant par Lui, Pariscope et L'Express, sans oublier la tribune radiophonique du Masque et la Plume. Le tout sans jamais varier dans ses positions critiques originales, pratiquant un système personnel qu'il a défendu dans son livre Pour une critique-fiction (1973).

Il ne s'est pas contenté de ces activités purement analytiques, pusiqu'il a réalisé plusieurs émissions pour la télévision, fait un peu l'acteur pour Éric Rohmer, Jean-Pierre Mocky et Michel Deville, et surtout, écrit quatre romans, La Première Communion, Le Mariage à la mode, Le Sauveur et Une si jolie petite fille, dont deux lui tenaient suffisamment à cœur pour qu'il les adapte à l'écran. C'est à partir du troisième d'entre eux, qu'il réalise, en 1971, l'année même de la sortie du livre, Le Sauveur. Le sujet était puissant, revenant de façon peu habituelle sur la période de l'Occupation, encore trop souvent traitée par le cinéma sous l'angle d'une France tout entière rassemblée sous la bannière de la Résistance.

Ni Le Chagrin et la Pitié de Marcel Ophuls ni Lacombe Lucien de Louis Malle n'étaient encore passés par là. Mardore prit le parti de faire de son héros l'incarnation du Mal : d'abord officier anglais parachuté en France, il se révèle, après avoir piégée la jeune fille qui l'a recueilli et l'a mis en rapport avec un réseau de résistants, comme un officier SS qui va la contraindre à ordonner en personne la destruction de son village et de ses habitants. Sans manichéisme et sans conclusion rassurante, il montre une possession amoureuse démoniaque, conclue par une descente aux enfers. Délices de l'ambiguïté, rapports étranges de domination entre Horst Buchholz et Muriel Catala, réflexion sur le Mal et l'Histoire, le film troubla la critique (admirative) et le public (remué). Il constitue en tout cas un des premiers jalons dans une nouvelle mise en perspective d'une période difficile.

L'année suivante, même si le film ne sortit qu'en 1973, Mardore adapte son second roman, Le Mariage à la mode. Beaucoup plus dépendante de l'air du temps, cette histoire, entre Lyon et Paris, d'un couple en crise secoué par la tentation de l'amour libre et du partage (le roman avait été écrit dans l'immédiat après-68) a sans doute vieilli, mais ne demanderait qu'à être revue. On y voyait une des premières évocations explicites de l'homosexualité féminine, ce qui en fait également un repère dans l'histoire de l'évolution de la représentation des mœurs. Le film ne connut pas un succès suffisant pour que son auteur puisse continuer dans cette voie et il revint à ses activités d'écriture, qu'il entretint jusqu'au bout avec la même élégance et le même brio.

Lucien Logette