Réalisation

Second rôle

Rémi Delescluse

Menac&eacute;s par les g&eacute;ants du num&eacute;rique et de nouveaux usages, les acteurs historiques de la grande distribution luttent sans merci pour assurer la p&eacute;rennit&eacute; de leur mod&egrave;le. Une enqu&ecirc;te fouill&eacute;e, men&eacute;e par le journaliste d&#39;investigation R&eacute;mi Delescluse.

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Le mod&egrave;le de l&#39;hypermarch&eacute; a-t-il fait son temps&nbsp;? Ce concept r&eacute;volutionnaire du &quot;tout sous le m&ecirc;me toit&quot;, popularis&eacute; en 1963 par Carrefour, a conquis le monde entier. Aujourd&#39;hui pourtant, le pionnier fran&ccedil;ais, comme ses concurrents, a un genou &agrave; terre. En cause notamment, la crise du gigantisme, associ&eacute; &agrave; une d&eacute;shumanisation du commerce et &agrave; la surconsommation, point&eacute;e du doigt &agrave; l&#39;heure des grands d&eacute;fis &eacute;cologiques. Selon les experts, la toute-puissance de certains groupes serait menac&eacute;e d&#39;ici dix ans. D&eacute;sormais, tout le secteur cherche &agrave; sauver ce qui peut l&#39;&ecirc;tre, quitte &agrave; verser dans des pratiques &agrave; la limite de la l&eacute;galit&eacute;. Pour obtenir des prix toujours plus bas, sans lesquels elles seraient d&eacute;sert&eacute;es, les grandes enseignes mettent les fournisseurs sous pression au cours de ren&eacute;gociations annuelles r&eacute;put&eacute;es difficiles&nbsp;: entretiens dans des box minuscules &agrave; la temp&eacute;rature trafiqu&eacute;e, chaises bancales sabot&eacute;es pour l&#39;inconfort, discriminations sexistes, violence verbale... Comme le formule le directeur d&#39;un grand groupe, dont les propos sont rapport&eacute;s dans le documentaire, &quot;ce qui est important, c&#39;est de briser les jambes des fournisseurs. Une fois au sol, on commence &agrave; n&eacute;gocier&quot;. Sans compter les contrats qui gardent captifs les franchis&eacute;s ou les nouvelles alliances europ&eacute;ennes de centrales d&#39;achats, particuli&egrave;rement opaques, qui facturent aux fournisseurs des services qualifi&eacute;s par certains de &quot;fictifs&quot;.&nbsp; 
 
La loi du plus fort &nbsp; 
La peur de dispara&icirc;tre pousse les grandes enseignes &agrave; toujours plus d&rsquo;agressivit&eacute;. Dans leur ligne de mire, les plates-formes d&#39;e-commerce, qui pourraient bient&ocirc;t pr&eacute;cipiter leur ruine. Trois ans &agrave; peine apr&egrave;s avoir rachet&eacute; pour 13 milliards de dollars Whole Foods, Amazon a d&eacute;j&agrave; lanc&eacute; sa propre enseigne, Amazon Fresh&nbsp;: des magasins dans lesquels les Caddies connect&eacute;s am&eacute;liorent l&#39;exp&eacute;rience de clients fid&eacute;lis&eacute;s par abonnement et dont les moindres donn&eacute;es sont collect&eacute;es. Plongeant au c&oelig;ur des sombres pratiques de la grande distribution, le documentaire de R&eacute;mi Delescluse propose un &eacute;tat des lieux mondial du secteur, soumis &agrave; la loi du plus fort, et s&rsquo;interroge sur son futur. Certains pr&eacute;disent la domination prochaine des nouveaux venus, de l&rsquo;approvisionnement &agrave; la distribution, comme c&rsquo;est le cas en Chine. En France, Amazon d&eacute;tient d&eacute;j&agrave; 10 % du march&eacute; des produits de grande consommation&hellip;&nbsp;

Hypermarchés, la chute de l'empire

Après une décennie de croissance fulgurante, le bio traverse une crise sans précédent, liée à une massification semblable à celle de l’agriculture intensive. Enquête sur un modèle à bout de souffle.&nbsp;Longtemps, l’agriculture biologique a surfé sur son excellente image – celle d’exploitations familiales, respectueuses de l’environnement et du bien-être animal, garantes d’une alimentation plus saine – pour séduire des consommateurs rebutés par les excès de l’agro-industrie. Mais après une décennie de croissance fulgurante, qui a vu doubler la consommation mondiale de produits estampillés bio, les ventes s’effondrent. Si l’inflation a poussé les budgets modestes à renoncer à ces denrées vendues jusqu’à 30 % plus cher, la conjoncture économique n’est pas seule responsable : on assiste désormais à une crise de confiance entre consommateurs et producteurs. Pour accompagner sa croissance, le secteur s’est massivement industrialisé, parfois sous la pression des lobbys de l'agrobusiness. Les hypermarchés ont, quant à eux, pris la place des enseignes spécialisées comme principaux distributeurs de produits siglés "AB", achevant de brouiller les cartes quant aux valeurs réellement défendues par les représentants du secteur…&nbsp; &nbsp; Déconversions&nbsp; Après <a target="_blank" rel="noopener noreferrer nofollow">Hypermarchés, la chute de l'empire</a> (2022), le journaliste d’investigation Rémi Delescluse s’attaque cette fois à un autre modèle jadis florissant, dont la massification signe le début de la chute. Des serres espagnoles jusqu’aux rayonnages des supermarchés, il débusque dans cette enquête rigoureuse les aberrations, les dérives et les scandales – mais aussi les angles morts de la réglementation européenne, notamment concernant l’usage des "biopesticides" – qui ont contribué à accélérer le désamour des consommateurs. Les petits exploitants, qui avaient jadis embrassé avec enthousiasme une pratique proche de leurs convictions, en sont les premières victimes. Car, écrasés par la concurrence des grandes exploitations bio, aux processus industrialisés directement inspirés de l’élevage conventionnel, ils prennent aujourd’hui massivement le chemin de la "déconversion". D’autres se lancent dans la création de nouveaux labels plus exigeants, qui privilégient le local, le respect de la saisonnalité et offrent des garanties plus strictes en matière de bien-être animal, de revenus des exploitants ou d’usage des pesticides – en bref, fidèles à la philosophie originelle qui a fait l’immense popularité de ce modèle, indissociable de l'avenir de notre planète.&nbsp;

Bio, la crise de foi

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