Youssef Chahine

Réalisation

Biographie

Né en 1926 à Alexandrie, disparu en 2008 au Caire, admirateur inconditionnel de la comédie musicale hollywoodienne (et, accessoirement, de Julien Duvivier, à travers son Toute la ville danse), Youssef Chahine est l'un des plus grands noms du cinéma arabe.

Même s'il ne fut pas le seul réalisateur égyptien notable (Salah Abu Sayf et Henry Barakat ont connu le succès avant lui), il incarna à lui seul le cinéma de son pays : dès son deuxième film, Le Fils du Nil, il fut invité au Festival de Cannes et sa reconnaissance internationale ne s'est jamais démentie. Sans doute parce, tout en exprimant profondément l'Égypte, il portait sur le reste de la planète un regard attentif – il était d'origine grecque par sa grand-mère, syrienne par son père, et l'imprégnation d'Alexandrie, sa ville portuaire natale, en fit un Méditerranéen ouvert sur le monde.

Issu de la bourgeoisie alexandrine, il partit étudier le cinéma en Californie, à Pasadena, séjour de trois ans qui explique son cosmopolitisme. Mêlant à la fois les traditions narratives du mélodrame et de la comédie musicale arabe (il fit tourner Fayrouz et Farid El-Atrache) et un point de vue hérité du néoréalisme italien, il réalise une dizaine de films avant que Gare Centrale (1958) ne lui apporte la notoriété. La force du témoignage, l'éclairage neuf qu'il porte sur la société égyptienne sous le président Nasser, les tabous qu'il aborde (celui de la misère sexuelle, par exemple), en font le premier chef-d'œuvre de sa carrière (il y interprète lui-même un marchand de journaux simple d'esprit).

Après quelques films dont la renommée ne sort pas des limites du pays (Saladin, Le Vendeur de bagues), il trouve pour chanter la réforme agraire de La Terre (1969) des accents lyriques qui placent cette fresque à la hauteur du chef-d'œuvre homonyme de Dovjenko.

Toujours préoccupé par la situation sociale et politique de son pays, Chahine aborde dans Le Moineau (1973) les conséquences de la désastreuse guerre des Six jours, et ouvre en 1978 le premier volet de sa trilogie en hommage à sa ville, Alexandrie pourquoi ?, retour sur sa jeunesse et description d'une société heureuse désormais disparue. Il complétera cette semi-autobiographie avec La Mémoire (1982) et Alexandrie encore et toujours (1989), avant de la conclure par un Alexandrie… New York (2004) testamentaire, évocation, moins réussie, de son itinéraire.

Devenu un des réalisateurs parmi les plus universellement respectés, il réalise, avec une distribution internationale (Patrice Chéreau, Michel Piccoli), Adieu Bonaparte (1985), où il revient sur le traumatisme des débuts de la colonisation, puis n'hésite pas à attaquer le fanatisme religieux et l'obscurantisme, dans Le Destin (1998), où il prend pour héros la grande figure du philosophe arabo-espagnol Averroès. L'ouverture vers l'autre, l'acceptation de la différence : l'œuvre tout entière de Chahine est celle d'un humaniste, parfois naïf et toujours sincère, confronté à la dureté des temps et qui cherche (et trouve) des motifs d'espérer.

Filmographie (1)