" ... on ne trouvera là aucune révélation, pas même de moments vraiment « croustillants » (...) Mais cette première réalisation d’un grand photographe, Raymond Depardon, choisi par Giscard et qui, depuis, a pris goût au cinéma, a ouvert la voie, justement, à ce type de documents, contribuant à façonner ce qui est devenu la « politique spectacle », et il est intéressant de mesurer le chemin parcouru. Comme il est, surtout, amusant de voir, de Perpignan à Strasbourg, de Paris à Chazalet, petit village alpin de 70 habitants, le « jeunot » (quarante- huit ans alors) façonner son image de façon à la fois encore naïve et déjà pro, et s’enthousiasmer devant les grosses ficelles d’une stratégie de campagne qui n’a guère dû changer de communication (« Montceau-les-Mines ? Cest bien, on comprendra qu’il y aura des ouvriers »).
Parfois noyé dans la foule (plus bon enfant qu’aujourd’hui ?), parfois freiné, dans sa voiture, par les mains qui partout se tendent (« vous ne serez pas déçus », affirme-t-il par la vitre ouverte), Giscard est toujours... souriant. Avec le souci de la coiffure (même si les cheveux, déjà, s’étaient faits rares, ceux qui restaient encore étaient, régulièrement, lissés soigneusement par un petit peigne de poche, pendant les conversations les plus sérieuses) c’est ce qui frappe le plus, ce sourire qui jamais ne s’efface, pas même, ou à peine, au soir du second tour, dans l’attente des résultats définitifs. Curieusement guettés seul devant l’écran, dans l’appartement de fonction du Louvre avec, juste, à portée de la main, le téléphone à cadran et fil, bien sûr, qui le reliait au fidèle lieutenant conseiller et confident Michel (Poniatowski).
Pour le reste, on reconnaîtra quelques disparus, Lecanuet, d’Ornano, on découvrira un... labrador noir, suivant son maître dans les sous-bois de Chamalières ou sur les pelouses des Tuileries, on entendra quelques rires et plaisanteries sur des fâcheux (connus), on dînera avec des notables, on assistera à la mise au point d’une stratégie pour « ne rien faire » entre les deux tours (le plus sûr, pour ne fâcher personne), on écoutera Dani et Aznavour, mobilisés (avec Mireille Mathieu) pour le grand meeting du candidat qui avait choisi comme hymne le Chant du Départ (« La victoire en chantant ») et l’on verra, dans la foule, des visages de jeunes filles extatiques, à comparer avec ceux, plus réservés, des demoiselles Giscard, emmenées, parfois comme « atouts de charme ». Tout ce que l’on connaît bien maintenant, mais tout ce qui, en 1974, était encore à découvrir, car on n’avait jamais filmé ainsi, à hauteur d’homme, un apprenti président. C’est cette proximité qui fait l’intérêt du film. Et le petit coup de nostalgie qu’il induit, car on peut, vingt-huit ans plus tard, mesurer le passage des ans, sinon le changement des méthodes... "