Austin, Texas. Richard Lord, ancien boxeur professionnel, a fondé son club de boxe Lord's Gym, il y a seize ans. Des personnes d'origines et de classes sociales et d’âge différents s'entraînent dans ce gymnase : hommes, femmes, enfants, docteurs, avocats, juges, hommes et femmes d'affaires, immigrants, boxeurs professionnels ou aspirants professionnels côtoient de simples amateurs et des adolescent en quête de force et d'assurance.
Le gymnase est une illustration du "melting pot" à l'américaine où les gens s'entraînent, se parlent, se rencontrent... Dans le sillage de "Law and Order", "Basic Training", "High School"... un nouveau, et superbe, portrait d'une Nation par un maître du documentaire.
Le film a été soutenu par l'ACID lors de sa sortie en salle.
Premier rôle : Richard Lord
Réalisation : Frederick Wiseman
Directeur de la photo : John Davey
Montage : Frederick Wiseman
Son : Frederick Wiseman
- Date de sortie en salles : 09 mars 2011
- Type de film : Long métrage
- Couleur : Couleur
- Langue : Anglais
- Date de production : 2009
- Pays de production : États-Unis
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Critiques (3)
- Libération - Didier Péron: Boxing Gym" Le plaisir que l’on prend à regarder Boxing Gym - c’est-à-dire à voir des gens très différents, tous âges et sexes confondus, se donner un mal de chien pour se dépenser et acquérir les bons gestes de la boxe dans cette salle de Austin (Texas) - ne doit pas faire oublier le thème fondamental de Frederick Wiseman depuis son premier film-choc, Titicut Follies, tourné dans une prison-hôpital psychiatrique en 1967 : la violence, et les formes qu’elle prend au sein de la communauté humaine. Explosive ou domptée, survenant à pas de loup pour arracher la vie par le crime, ou s’infusant dans les corps par la maladie sans retour, la violence est devenue le sujet taraudant de son œuvre sans qu’il l’ait vraiment décidé. D’autres échos du hors-champ chaotique de ce qui se passe en dehors du club viennent transpirer dans le in : récit de vandalisme, engagement militaire en Afghanistan… Au pays des armes à feu en libre circulation, la hantise, depuis Columbine, des ordalies individuelles et spontanées traverse la société, comme l’accomplissement d’une tension irrésolue entre liberté totale et nécessité du contrôle absolu.
Dans la salle du Lord’s Gym, les règles de la boxe se doublent d’un état d’esprit collectif qui interdit aux ramenards de (trop) la ramener et à ceux qui cherchent les embrouilles de trouver avec qui se friter. La salle fonctionne comme un genre de kolkhoze sportif moyennement rationalisé mais porteur de valeurs d’entraide et de respect mutuel, sans distinction de classe sociale ou d’appartenance ethnique. «Richard Lord est un ancien boxeur professionnel, son père était un organisateur de combats. Il a créé la salle il y a seize ans et domine complètement l’endroit. C’est un type direct, il ne raconte pas de conneries», nous dit le cinéaste que l’on rencontrait vendredi à l’heure d’un petit-déjeuner sur le pouce dans les locaux où il met la dernière main au montage de son prochain film sur le Crazy Horse. «Pour moi, le Lord’s Gym c’est le melting-pot américain par excellence. Des gens d’origines différentes, dont pas mal d’immigrés cubains et mexicains, qui s’adonnent à un sport violent et ritualisé. Là-bas, j’ai rencontré un juge qui s’entraînait, et il m’a dit qu’il avait croisé dans la salle au moins quinze jeunes qu’il avait fait jeter en prison…»(...)
C’est Wiseman qui fait la prise de son, et ici la matière sonore ultrarythmique de la salle joue un rôle important. Comme si le cinéaste avait plus que jamais monté son film à l’oreille, construisant, dit-il, une partition percussive à la Steve Reich : la sonnerie de l’horloge décomptant le temps du round, le tap-tap des pas sur le lino, les coups dans les punching-balls, les claquements des speed-balls et les bruits du souffle des sportifs qui vont au combat ou au tapis. Le cinéaste capte aussi au vol les conversations, comme ce jeune gars qui avoue : «Putain, j’adore me prendre une bonne droite à la mâchoire. J’aime être sonné, ne plus savoir du tout où je suis et avoir à combattre pour m’en sortir.»
Au fond, que voit-on au fil, rapide, des séquences qui saisissent la monotonie forcenée de l’entraînement ? Une stupéfiante réserve d’agressivité à haut voltage, capable d’actionner (y compris chez quelques obèses ou gens âgés) le jeu de jambes et la puissance d’impact des poings, comme une bête bondissant hors du corps. C’est toujours mieux de venir là que de se cogner la tête contre les murs, histoire de lever en soi, à force d’échauffement et jusqu’à la transe, les fantômes d’un corps étranger : shadow-boxing, voire, pourquoi pas, ghost-boxing. Le noble art du pugilat exprime également la passion commune d’être un autre. C’est peut-être aussi une bonne alternative à la psychanalyse. Non pas extirper de l’intérieur des névroses cadenassées à double tour via un long texte libérateur mais, par la boxe, redescendre au niveau de l’agilité de l’animal, des grognements et de la sensation silencieuse.(...)
Si la boxe fascine le cinéma, c’est probablement que personne n’a jamais envisagé que les uppercuts dans la figure étaient bons pour la santé. Mais aussi, comme le dit quelque part Adorno dans son offensive anti-Freud, que ce sport peut constituer «une méthode cathartique digne de ce nom», capable d’ «aider les hommes à prendre conscience du malheur, du malheur général et de leur malheur propre, qui en est inséparable». Chacun affine donc une forme de perfection technique pour, au final, se faire démolir (même les gagnants finissent ahuris), comme pour affiner la connaissance que l’on a des lois fondamentales de ce monde." - Télérama - Cécile Mury: Boxing Gym" Un documentaire sur la boxe, huis clos dans un hangar reconverti en salle d'entraînement, encombré d'accessoires sportifs, tapissé d'affiches de matchs et de photos de champions... De quoi, a priori, rebuter tous les spectateurs qui ont raccroché les gants depuis Raging Bull, de Scorsese. Ils auraient tort, pourtant, de se priver de cette incursion dans le royaume de Richard Lord, ancien pro qui accueille, dans son club, un concentré de la société américaine.
Ça se passe à Austin, Texas. On ne sortira pas du hangar, on ne visitera jamais la ville, mais elle est là, tout entière, dans ce bouillonnant sanctuaire de l'effort physique. Ici se mélangent et se côtoient immigrés latinos et WASP (White Anglo-Saxon Protestant), cadres et prolos, repris de justice et mères de famille avec leurs bambins, athlètes pros ou amateurs...
Ce film, passionnant, est une étape supplémentaire dans la quête sociologique que le documentariste Frederick Wiseman poursuit depuis toujours : hôpitaux (Hospital), tribunaux (Juvenile Court), lycées (High School I et II), et même une célèbre agence de mannequins new-yorkaise (Model)... Sa méthode : l'observation silencieuse, patiente. Le sens du temps et du tempo. Pas de commentaire, pas de « personnage central » qui transformerait l'immersion en portrait romanesque. Mais des bribes de vie, happées sur le vif, et une ambiance. Les conversations, les plaisanteries et les confidences dessinent une mosaïque singulière et révélatrice des caractères et des comportements. Affrontement ritualisé, sublimé, la boxe se substitue à la violence et à la tension des rapports sociaux hors du gymnase. Wiseman la filme en chorégraphe, avec le même brio, le même art du cadre et du montage que dans La Danse. Mouvement perpétuel des corps qui s'accordent et s'affrontent, tension, détente, temps, contretemps. Des muscles se nouent, des pieds virevoltent.
D'une scène à l'autre, une simple séance de pompes, un banal entraînement sur le ring se muent en ballet harmonieux, mécanique de grâce et de puissance. Cette magie gagne le son : claquement des cordes, rythme des coups et des souffles, choc mat du punching-ball : un drôle d'orchestre de percussions, bande originale d'une belle aventure humaine..." - Première - Gérard Delorme: Boxing Gym" A 81 ans, le documentariste Fred Wiseman vient de réaliser l'un de ses meilleurs films. Le sujet, il est vrai, est idéal : la boxe aurait pu être inventée pour le cinéma. Tout y est affaire de mouvements, de rythmes, d'enchaînements et de musique. Wiseman l'exprime en images et en sons. Wiseman canalise cette énergie pure avec une maîtrise parfaite, créant un effet viscéralement exaltant."