"Il reste, ligne de fuite et de salut, porte d'entrée malgré tout, la beauté. Que ce soit Coutard, Lubtchansky ou comme ici Caroline Champetier qui "dirige" la photo, un chemin, un lac, un visage de femme ont, chez Godard, cette évidence qu'on n'avait pas vue encore sur un écran, et qui étreint le coeur."

"Rarement les images auront mieux joué à cache-cache avec les mots. Tout y passe : Zeus-Depardieu et la Genèse, la Trinité et la Yougoslavie. Cela ferait un film de tête un peu sec, si chaque plan n'avait du coeur. S'il n'y avait ces images de début du monde, la nuit, le jour, l'eau, le tonnerre, des coquelicots plus rouges qu'au septième jour, des chevelures ensoleillées de Madone, et des ventres ronds d'avant le péché. L'ensemble a la densité du météore et la cadence d'une fugue emballée."

"On sent que Godard s'est fait plaisir en égarant les spectateurs au milieu de la forêt de citations que prononcent des personnages totalement abstraits. Soudain tout s'illumine. Comme par hasard, ce miracle a lieu en même temps que Dieu se fait homme et veut séduire une femme. Depardieu est Dieu. Et ça devient magnifique."

"Certains plans rappellent Van Gogh, d'autres Nicolas de Staël, certaines phrases viennent de Mallarmé ou de Wiesel, mais peut-être bien sont-ce Staël, Mallarmé et Wiesel qui ressemblent à du Godard. En fait, le tout n'est pas de "monter", comme il disait autrefois ; ni de "mixer", comme il a dit ensuite. Le tout est de trouver. Le verbe grec trepein, a donné tropos, qui a donné le latin tropus, lequel a donné tropare, qui a donné troubadour et trouvère, et enfin trouver. Seul, le poète, trouve. Et Hélas pour moi est sa plus somptueuse trouvaille."