Alors là, j’ai pris une vraie claque ! Déjà, les graphismes sont exceptionnels ! On le voit dans les décors surtout, avec une alternance entre la rigidité du village et les formes arrondies de la forêt, mais j’ai aussi beaucoup apprécié les différences de style, notamment avec l’usage d’un trait plus pastel pour représenter les odeurs que sentent les loups. J’ai adoré tous les jeux de lumière, en particulier ceux des glyphes de la forêt qui donnent une atmosphère incomparable ! Certains mouvements sont d’une fluidité stupéfiante, comme ceux de Mebh quand elle se déplace dans la ville telle une petite touffe de poils, ou les mouvements furtifs, presque liquides, des loups. Ça donne un effet visuel très fort, grâce au contraste avec le reste des mouvements, et ça représente très bien l’idée de liberté associée à l’état sauvage. La musique renforce cette ambiance assez particulière, je l’ai trouvée très bien dosée, posée aux moments justes, et la voix donne des frissons. C’est un film extrêmement esthétique qui oscille entre chaleur et terreur, ce qui porte très bien le récit.
L’histoire n’est pas en reste, ce qui devient rare avec les films visuellement beaux. Elle est super bien menée, c’en est bluffant : on a un vrai scénario (je me serais juste bien passé du happy end hétéronormé à la fin, mais j’imagine qu’on peut pas tout avoir) qui tient en haleine, on se laisse emporter de bout en bout. La dynamique est très réussie. Bon par contre j’ai été de plus en plus tendu toute la fin du film tellement c’était bien mené, avec des images très puissantes et un rythme soutenu. C’était un peu trop bien vu sur la contrainte de l’Autre, ça m’a glacé…
Sur le fond, on trouve des réflexions abouties sur le lien entre nature et culture, sur le rapport à la différence, sur la liberté face à la tyrannie, sur la peur, le courage et l’intégrité. J’ai trouvé ça super bien trouvé de montrer le point de vue opposé avec la notion de passage d’un monde à l’autre, le fait de vivre dans la peau de l’autre pour pouvoir littéralement voir par ses yeux. En vrai, c’est quand même des thèmes assez classiques et l’histoire du changement de point de vue a déjà été utilisée mais le film est tellement bien qu’on arrive à l’oublier. Ça reste assez binaire sur l’opposition entre nature et culture, plus que chez Miyazaki par exemple, puisque le méchant est vraiment habité par la cruauté, obsédé par un certain type d’ordre qui passe par la contrainte. C’est un tyran et pas quelqu’un qui agit par nécessité comme Dame Eboshi. En même temps ça se comprend très bien avec le fond historique et folklorique irlandais : le film dit quelque chose de l’histoire de l’Irlande (la chasse aux loups était un moyen de « civiliser » l’Irlande trop libre) et j’imagine que cette histoire est très ancrée dans la vie personnelle de Tomm Moore. En soi la question de l’hybridité est posée, de même que celle du transfuge, et il y a aussi des personnages moins manichéens qui agissent par nécessité et mettent encore plus en exergue la cruauté du méchant donc ça reste très réussi.
C’est du super travail, je suis impressionné !