André Polonski, pianiste virtuose, et Mika Muller, PDG des chocolats Muller, se remarient à Lausanne après une première et très brève union des années auparavant. André avait alors épousé Lisbeth dont il a eu un fils, Guillaume. Le jour de l'anniversaire de ses 6 ans, alors qu'ils étaient de passage en Suisse chez Mika, Lisbeth est décédée dans un accident de voiture. La jeune Jeanne Pollet, qui prépare le concours de piano de Budapest, apprend incidemment qu'elle a failli être échangée le jour de sa naissance avec Guillaume Polonski. A la recherche de ses origines et d'un mentor, Jeanne va pénétrer dans une famille qui n'est pas la sienne.

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Critique (1)

Télérama - Louis Guichard: Merci pour le Chocolat
"... une fête de l'ambiguïté et de la manipulation, un pur plaisir de jeu.
Derrière son titre débonnaire comme une politesse de maison de retraite, Merci pour le chocolat appartient à cette catégorie-là, celle de La Cérémonie, par exemple. Pas seulement parce que Claude Chabrol retrouve la coscénariste de ce film (Caroline Eliacheff) et adapte un roman (de Charlotte Armstrong) à tonalité criminelle. Plutôt parce qu'il semble avoir concentré dans ce nouvel opus tout ce qui l'inspire le plus depuis longtemps déjà : le mal, le faux et... Isabelle Huppert (...) pour un personnage méchamment intrigant : cette héritière d'une grande famille de chocolatiers suisses, domiciliée à Lausanne, est un casse-tête fait femme. Qu'elle se remarie ­ la toute première scène ­ avec le grand pianiste André Polonski (Jacques Dutronc), qu'elle dirige un conseil d'administration au siège de sa société ou qu'elle prépare du bon chocolat chaud dans la cuisine de son castel, sous l'oeil de sa bonne, l'affable Mika a toujours l'air d'en faire un peu trop, comme au théâtre. Ce surjeu permanent, assorti de reparties discrètement aberrantes, d'exclamations désuètes et de maladresse notoire (renverser le chocolat sur la moquette pure laine, par exemple), n'est pas seulement d'une surprenante drôlerie. Il résonne comme une menace. Une menace dont Mika serait à la fois la source et la cible.
Avec cette dame cousue de fil blanc (la dame, pas le rôle), qui aimante irrésistiblement l'oeil et l'oreille, on est en pleine spécialité chabrolienne : du cinéma de personnages encore plus que du cinéma d'intrigue (...) Si cette intrigue est ténue (...) Chabrol n'a pas son pareil pour nous persuader du contraire.
Objectivement exempt de rebondissement majeur (avant le dénouement), Merci pour le chocolat donne sans cesse l'illusion délicieuse que quelque chose d'exceptionnel se trame ou est sur le point de se produire. Merci pour la mise en scène donc, et pour tous ces détails incongrus sur lesquels le cinéaste se garde bien de s'attarder, mais qu'on ne peut s'empêcher d'ausculter avidement comme autant d'indices, de prémices...
Cela va de la forme phallique du thermos plein de chocolat que Mika promène partout dans sa demeure à la toile d'araignée en crochet qu'elle tisse à ses moments perdus... (...) son personnage touche à la quintessence de la comédie humaine observée par Chabrol depuis quarante ans.
Mika n'est qu'un masque ambulant. Comme la plupart des figures chabroliennes, cette grande bourgeoise joue (mal) le rôle que la société lui a assigné. Mais contrairement aux autres, elle n'a nulle identité de rechange ou de secours, même chimérique, à substituer à cette mascarade. Pis, elle bute sur le terrible constat (assez inédit chez Chabrol) que tout le monde n'est pas logé à la même enseigne, c'est-à-dire réduit, comme elle, à « faire semblant ».
Et cela donne un tour vertigineux à la chute du film. La chute, c'est bien le mot, car au terme d'un drôle de suspense, riche en fausses pistes désinvoltes, cette histoire de préméditation meurtrière débouche abruptement sur « quelque chose ».
Quelque chose de si simple et de si énorme que d'autres cinéastes s'efforceraient tant bien que mal d'en estomper la part d'invraisemblance. Chabrol, lui, fait l'inverse : il accentue soudain la dimension délirante de son scénario, et envoie balader toute contrainte de réalisme, selon une logique du « ça passe ou ça casse ». Ça passe. Tellement bien, même, qu'on se demande tout à coup si l'on ne vient pas d'assister à quelque film fantastique... Ce qui est tout de même assez fort de café pour une simple histoire de chocolat."

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