Monstres... pas si monstrueux !

Des « monstres gentils », il y en a chez Casimir, sur L'Ile aux enfants. Il y en a, aussi, dans ce délicieux programme de courts métrages animés. Dans Citrouille et vieilles dentelles(2010), réalisé en stop-motion (animation en volume image par image), Juliette Loubières imagine un photographe de pub condescendant qui se rend dans une maison de retraite. Le malotru cherche un « petit vieux » placide pour une campagne contre les fuites urinaires. En fait, il rencontre des octogénaires excentriques inspirés des contes de Charles Perrault : un chaperon rouge paranoïaque, un prince charmant érotomane, une belle au bois dormant qui dort, forcément.
Dans Monstre sacré (2009), de Jean-Claude Rozec, ce sont les journalistes qui en prennent pour leur grade. C'est l'histoire d'un gros dinosaure vert tout gentil, rejeton du monstre du Loch Ness et de Godzilla, né parmi de vilains petits canards. Petit bijou d'animation, ce court métrage aux couleurs pop est une critique féroce du système médiatique, qui alimente et relaie la peur alors que le « monstre » est, en réalité, tout à fait inoffensif. Un peu moins politique mais tout aussi poétique, Cul-de-bouteille (2010) est un autre court de Jean-Claude Rozec, tout en nuances de gris, comme dessiné au fusain. Un gamin myope habite une ville terne et charbonneuse, qu'il sublime grâce à son imagination débordante. Hélas, on l'oblige à porter d'épaisses lunettes, et il découvre la triste réalité. Beau récit d'apprentissage.

Venu visiter une maison de retraite dans l'espoir d'y trouver le visage bienveillant du grand-père ou de la grand-mère idéal(e) pour une campagne publicitaire, un jeune photographe est confronté à des personnages hauts en couleurs, bien plus énergiques et atypiques que les grabataires qu'il s'attendait à rencontrer...
D'où vient ce vieillard conquérant qui aime à porter la couronne ? Pourquoi l'une des vieilles dames n'a-t-elle qu'une seule chaussure ? Pourquoi y a-t-il une pomme rouge sur les genoux de sa voisine ? Et cette autre, qui dort tout le temps... qui lui rappelle-t-elle ? La visite risque fort de chambouler le jeune homme, qui quittera la maison de retraite "Charles Perrault" un peu ébranlé dans sa vision conventionnelle des vieilles personnes.
Dans ce premier court-métrage, Citrouille et vieilles dentelles, le monstre présenté comme thème commun aux cinq histoires est encore lointain. Il apparaît de façon métaphorique sous les traits d'un vieux monsieur en fauteuil que la proximité de la "chair fraîche" ranime étrangement... Par la suite, cependant, les visions se précisent.
Dans la deuxième histoire, Cul de bouteille, un petit garçon rechigne à porter les lunettes qui lui font voir le monde à la manière des adultes, dépeuplé des créatures fantastiques que ses yeux de myope lui font voir.
Puis c'est le Grand Méchant Loup des contes, un dinosaure éclos parmi les canards, un lapin géant qui sème la panique dans la ville...
Variété de tailles, de formes et de caractère, les créatures qui peuplent ces cinq courts-métrages animés pleins de fantaisie ont tout pour séduire les petits et les grands. Jouant sur des effets de décalage culturels souvent très réussis (les vieillards devenus princes et princesses acariâtres, le mignon petit lapin promu au rang de Godzilla, le vilain petit dinosaure...), les histoires multiplient les clins d'œil aux plus célèbres contes et films fantastique avec beaucoup d'imagination.
Si le premier d'entre eux, Citrouille et vieilles dentelles, semble un peu court tant l'on sent l'idée intéressante et actuelle, et si le dernier, Bye Bye Bunny, marche un peu maladroitement sur les codes et techniques emblématiques des merveilleux courts-métrages de Pixar (Presto, qui décrit les rapports houleux entre un prestidigitateur et son lapin, y est explicitement cité), les trois films centraux sont de petits bijoux dont on aurait grand tort de se priver, et qui font aisément oublier les petits faiblesses des deux autres.
Mentions spéciales pour l'enthousiasmant Duo de volailles, sauce chasseur, fantaisie minimaliste et musicale en noir et blanc, et surtout pour le ravissant Cul de bouteille, qui porte avec une délicatesse un peu burtonienne une vision tendre et mélancolique de l'enfance et de ses rêves.