1917, autour de la frontière russe. Les Blancs tsaristes affrontent les Rouges bolchéviques qui sont soutenus par des volontaires hongrois. Dans l’immense plaine, chasse à l’homme, exécution de prisonniers, cavaliers en déroute, et le pouvoir qui guette chaque homme à tour de rôle…

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Critique (1)

Le Nouvel Observateur - Jean-Louis Bory: Rouges et blancs
" ... c'est là où l'art de Jancso (peut-on oublier les Sans espoir ?) fait merveille. Dans l'exacte peinture de cette sauvagerie et de cette dignité. Quand, dans un décor d'impasses et d'escaliers, les officiers blancs chassent l'homme rouge qu'ils ont d'abord mis à poil (ils "dératisent" comme diraient Fouchet-le-Chlore et Grimaud-la-Matraque) on a envie de cracher, et pas seulement sur les officiers du tsar.
Et c'est vrai que c'est aussi cela, l'Histoire : la sinistre ambiguïté de la guerre civile, l'enchaînement mécanique des représailles, la monotonie de ces exécutions en chapelet soulignée par la répétition du rituel "Déshabille-toi", non seulement parce qu'il faut récupérer des bottes, des chemises, des vestes, dont la pénurie se fait gravement sentir, mais parce que dénuder un homme, le dépouiller de cette deuxième peau que sont devenus pour lui ses vêtements, c'est le désarmer totalement, accroître sa vulnérabilité de bête nue, c'est l'humilier, l'attaquer dans ce que son individualité a de plus frémissant, de plus pudique. C'est aussi le condamner à une identification immédiate : ce gibier nu, voilà l'ennemi.
Jancso refuse le pathétique, la violence complaisamment spectaculaire. La sauvagerie, il la montre avec une gravité douloureuse. Une rigueur si tendre qu'elle ressemble à du calme. Pas un cri, pas un sanglot. La peur qui transforme en pierre ; la docilité trottinante du dernier désespoir ; ou la suprême indifférence et le silence presque paisible qu'inspirent le courage et la force d'une conviction.
On devine le risque : la froideur. Or Rouges et blancs brûle. De même que Jancso compense la sauvagerie par la dignité, il échappe à la froideur par la beauté. La beauté peut être glaciale. Pas chez Jancso. Parce qu'elle n'est jamais pur esthétisme L'extraordinaire harmonie du corps nu dans les roseaux, ce n'est pas là pour faire joli mais pour nous inviter à dépasser l'humiliation et la mort imminente infligée à un être humain par d'autres. Cette beauté, elle est dans le regard de Jancso. Inséparable de la lucidité sans défaillance qui dénonce la bestialité... "

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