10 FÉVRIER 2022

Alger Confidentiel - Entretien avec Frédéric Jardin

Après des débuts comme assistant réalisateur, Frédéric Jardin réalise plusieurs comédies avec la complicité notamment d’Édouard Baer ("La folie douce", "Les frères Soeur", "Cravate club"). Dans "Nuit blanche" (2011) il s’oriente vers le polar, un genre qu’il explorera ensuite à la télévision dans les séries "Braquo" et "Engrenages". "Alger Confidentiel" est sa première série d’espionnage.

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Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le projet d’Alger Confidentiel ?

Frédéric Jardin : Cette mini-série m’a été proposée par Abdel Raouf Dafri, qui travaillait depuis quelques temps déjà sur l’adaptation du roman d’Oliver Bottini « Paix à leurs armes », et par les producteurs Philippe Alessandri et Balthazar de Ganay. C’est une histoire d’espionnage ancrée dans le réel, avec pour toile de fond la communauté algérienne en Allemagne, mais également un thriller politique, avec une dimension très romanesque : l’histoire d’amour secrète entre une juge d’instruction algérienne et un inspecteur de police attaché à l’ambassade d’Allemagne à Alger. C’est aussi le portrait en mouvement d’une jeunesse utopiste, qui rêve de révolution dans un pays meurtri par la corruption, la guerre civile et le fondamentalisme religieux. Ce mélange m’a passionné.

Abdel Raouf Dafri a un formidable savoir-faire pour développer de la dramaturgie autour du choc des cultures : en l’occurrence, l’Algérie et l’Allemagne. Ce souffle narratif, enraciné dans un terrain géopolitique complexe, est particulièrement excitant à mettre en scène. Il donne lieu à une double dénonciation : celle de la corruption des élites du régime algérien mais aussi, derrière les apparences de la vertu, celle de l’Allemagne à travers le commerce des armes.

 

Quels défis se posaient pour vous ?

Frédéric Jardin : Ma recherche obsessionnelle du « réel à tout prix » dans la mise en scène a trouvé ici tout son sens. Il s’agissait de trouver le juste équilibre entre l’efficacité narrative (suspense, coups de théâtre…) et la description d’un climat politiquement tendu. Des flash-backs viennent ainsi évoquer la « décennie noire », ou guerre civile algérienne (1991-2002), à travers l’enfance tragique de Djamel et d’Amel : une manière de lier petite histoire et grande histoire, et de faire ressentir viscéralement aux spectateurs les pulsations de l’histoire de ce pays.

L’autre difficulté était de dresser le portrait de personnages multiples, de façon chirurgicale, tant dans leur univers professionnel à haut risque que dans leur vie privée, et de les rendre attachants, dans leurs contradictions, bien qu’ils soient pour certains détestables comme le Général Soudani, l’homme fort du régime.

Il fallait donc dérouler le fil de chacune de ces intrigues jusqu’au bout, avec un souci constant du détail, en insufflant le bon rythme : je voulais une enquête haletante qui dévoile le milieu corrompu de la vente des armes. Dans ce domaine, l’Allemagne reste le principal fournisseur de l’Algérie.

 

Comment définiriez-vous votre approche ?

Frédéric Jardin : J’avance de manière très instinctive. En même temps que les repérages, c’est d’abord le casting qui me permet de ressentir vraiment ce que j’ai envie d’imprimer. En l’occurrence ce fut un travail long, délicat, car il engageait quatre langues (arabe algérien, allemand, français, anglais) et de nombreux territoires. Il a débuté très en amont du tournage, d’abord en Allemagne où j’ai découvert des acteurs d’exception comme Anna Schudt, Ken Duken et Martin Brambach.

Pour nos personnages algériens, là encore je tenais à la véracité : je voulais qu’ils soient joués par des comédiennes ou des comédiens d’origine algérienne évidemment, mais qui aient aussi et surtout une vie en Algérie, afin qu’ils soient entièrement crédibles. Je pense à Sofiane Zermani, Dali Benssalah ou Raphael Acloque qui interprète Djamel, le plus politiquement engagé de nos utopistes, pour ne citer qu’eux.

 

 

Propos recueillis par Jonathan Lennuyeux-Comnène

 

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