17 DÉCEMBRE 2021

La bonne conduite - Entretien avec le réalisateur et scénariste Arnaud Bédouet

Au travers d’une histoire de filiation contrariée, Arnaud Bédouet brosse le portrait amusé d’une cité de banlieue au travers d’une auto-école, point de convergence d’une poignée de personnages attachants. La bonne conduite est la seconde fiction du réalisateur après Clandestin, récompensée par quatre prix au Fipa en 2010 et par le Prix Europa.

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Quel a été le point de départ de cette fiction ?

Arnaud Bédouet : En général, mes idées viennent de personnages. Je m’intéresse à ceux auxquels on donne peu la parole, ou qui sont souvent réduits à des archétypes. J’essaie de les enraciner dans une réalité. Dans « La bonne conduite », c’est précisément à ses racines que Pierre se retrouve confronté. J’avais envie de raconter le parcours d’un homme à l’esprit cloisonné qui, en revenant dans le quartier qu’il a quitté, voit ses préjugés battus en brèche. L’auto-école, quant à elle, m’est apparue comme un biais idéal pour explorer les non-dits, les recoins cachés de mes protagonistes. La voiture est en effet un peu comme un cabinet de psychanalyse sur roues : elle est un espace clos, hors du temps, où peut se libérer une parole intime et libre.

 

Pourquoi avez-vous choisi d’aborder par la comédie des sujets difficiles comme la filiation, le poids des conventions, la précarité ?

Arnaud Bédouet : Il est exact que mes sujets sont souvent graves, que ce soit au théâtre avec ma pièce « Kinkali », ou dans mon précédent film « Clandestin » ! Mais je suppose que mon tempérament me pousse à amener de l’humour dans la manière de m’en emparer. Cette forme de pudeur, de décalage par rapport à leur gravité, me convient bien. En ce sens, je me sens très influencé par les comédies sociales anglaises, ou par le cinéma d’Aki Kaurismäki.

 

La force de votre film repose en grande partie sur son casting et ses personnages très attachants...

Arnaud Bédouet : J’ai un goût immodéré pour le travail avec les comédiens, probablement nourri par le fait d’être acteur moimême. J’essaie d’instaurer une relation confidentielle avec chacun d’eux, et de les accompagner non pas en expliquant la psychologie de leurs personnages, mais en les regardant. Pour moi, c’est la force de l’attention qui dirige les comédiens, et la volonté de ne pas lâcher une scène tant qu’on n’a pas la note souhaitée. Autour d’Alban Lenoir, tout en rigidité fragile, et d’Olivier Saladin en moniteur anticonformiste, je trouve que chacun d’eux apportent, par son originalité, une incarnation réjouissante et profonde aux personnages dont j’avais rêvé.

 

Propos recueillis par Jonathan Lennuyeux-Comnène